« Ne pas laisser prospérer de fausses idées sur la réalité du tourisme de notre vallée ». Voilà ce qu’entendait faire Éric Fournier en présentant aux élus, aux représentants d’associations et aux socioprofessionnels de la vallée de Chamonix le bilan de la fréquentation touristique des dix dernières années.
L’exposé mené fin novembre à l’EMC2 par le maire de Chamonix et le directeur de l’office de tourisme intercommunal avait ainsi surtout pour objectif de casser le mythe d’une explosion de la fréquentation touristique pendant la dernière décennie.
« La saisonnalité est bien moins marquée que par le passé »
Avec une hausse du nombre annuel de nuitées d’environ 8 % et une progression similaire du nombre d’excursionnistes (les personnes visitant la vallée seulement à la journée), parler d’une croissance démesurée de la fréquentation serait malhonnête. D’autant que celle-ci s’étale sur l’ensemble de l’année. « Les ailes de saison ont beaucoup progressé, au point que la saisonnalité est bien moins marquée que par le passé », résume le directeur de l’office de tourisme Nicolas Durochat, ajoutant que la recrudescence de la clientèle excursionniste, qui par ces déplacements pendulaires génère davantage de nuisances, est surtout liée à des phénomènes extérieurs à la politique touristique de la vallée.
Le contexte économique est l’un d’eux. Il pousse les Français à moins partir en vacances pour plutôt profiter des loisirs propres à leur région, ce qui explique que les nouveaux excursionnistes viennent avant tout de la région Rhône-Alpes. L’autre explication se trouve dans la baisse de l’enneigement des stations de moyenne montagne qui entraîne un report de clientèle vers les domaines d’altitude comme ceux de Chamonix.
53 % de la clientèle touristique reste française
Toujours pour briser des idées préconçues, les chiffres récoltés par l’office de tourisme et la commune de Chamonix rappellent que la clientèle de la vallée est avant tout française et qu’elle représente 53 % de la clientèle totale. 80 % des nuitées consommées par des étrangers concernent des Européens. Autrement dit, les marchés internationaux de proximité sont bien plus importants en volume que ceux venant d’Asie ou du Moyen-Orient que la collectivité ne cherche pas à démarcher. Ces derniers ne dépassent pas, pour l’heure, 4 à 5 % chacun.
Malgré tout, dans le détail, certaines données ont de quoi interpeller, notamment celles concernant les flux routiers. Au rond-point de la vigie 9 000 véhicules par jour sont désormais recensés en moyenne contre 7 500 il y a 10 ans. À l’époque, il n’y avait que 17 jours où l’on dénombrait plus de 10 000 véhicules contre 69 en 2022 et même 104 en 2023.
120 000 personnes au lac Blanc cette année
Et parce que la fréquentation ne se mesure pas que dans la vallée, mais aussi en altitude, Éric Fournier a souhaité revenir sur l’affluence enregistrée sur les sentiers et dans les refuges. Les éco-compteurs placés dans les réserves naturelles des Aiguilles Rouges révèlent qu’en dehors de « quelques points de fixation de la fréquentation », comme sur le chemin reliant la Flégère au lac Blanc (où l’on a dénombré cette année près de 120 000 personnes), la quiétude semble être la règle. L’édile a d’ailleurs annoncé que des compteurs similaires seront placés sur le versant nord de la vallée, côté massif du Mont-Blanc, afin de compléter les données.
Le premier magistrat de la capitale de l’alpinisme a également eu quelques mots sur la haute montagne, dont la fréquentation semble s’éroder. Les refuges du bassin de la mer de Glace ont enregistré entre 2000 et 2023 une baisse de près de 40 % de leur nombre de nuitées. C’est pire aux Cosmiques, où la fréquentation a baissé de 60 % entre 2012 et 2023, principalement à cause de la dégradation des conditions rencontrées sur l’itinéraire des trois monts. « Il faut s’enlever de la tête l’idée selon laquelle il y a trop de monde à Chamonix parce que trop de gens vont au mont Blanc », lance l’élu chamoniard pour qui la maîtrise de la dynamique touristique de la vallée reste fondamentale.
Même si sa fréquentation touristique n’a pas explosé ces dernières années, la vallée peut légitimement s’inquiéter d’un regain d’attractivité en raison des évolutions climatiques. La venue, l’hiver, des skieurs délaissant les stations où l’enneigement se fait trop rare et la recherche de la fraîcheur offerte naturellement par altitude, l’été, font craindre un nouvel afflux de touristes. Un “surtourisme” qui préoccupe, bien que le mot en lui-même n’ait jamais été prononcé lors de la réunion organisée devant les socioprofessionnels, élus et responsables associatifs. Conscient qu’une fréquentation trop importante de la vallée entraînerait des nuisances insupportables et nuirait à sa ressource naturelle (qui constitue d’ailleurs son fonds de commerce), le maire de Chamonix et président de l’intercommunalité de la vallée a listé les actions déjà mises en place par ses équipes pour éviter celle-ci.
Le nombre de logements sur Airbnb a augmenté de 45 % entre 2019 et 2024
La régulation des meublés de tourisme, qui sera effective à partir du 1er mai 2025 est l’une d’elles. Une mesure qui doit permettre de remettre une partie de ces biens sur le marché de la location à l’année et éviter que le nombre de ces logements loués sur des plateformes de type Airbnb ne progresse à nouveau de 45 %, comme ce fut le cas entre 2019 et 2024. L’édile a également évoqué la tarification mise en place aux remontées mécaniques, qui favorise la clientèle de séjour au détriment de celle qui vient à la journée. Les efforts fournis par l’intercommunalité pour booster l’offre de transports publics et encourager les visiteurs et habitants à lâcher leur voiture ont aussi figuré dans cette démonstration, au même titre que la mise en place progressive du stationnement payant sur les parkings de pied de pistes.
Un chiffre d’affaires de 1,4 milliard d’euros pour la société touristique vallée de Chamonix
La régulation du bivouac et de la baignade en altitude, la restauration de zones humides et le renforcement de la sensibilisation sur les sentiers ont également été cités par l’élu qui a néanmoins tenu à souligner la chance que constituait l’économie touristique de la vallée de Chamonix. « 70 % des recettes de la commune de Chamonix sont générées par l’économie touristique de manière directe ou indirecte », signalait-il à son auditoire qui s’est vu rappeler que le chiffre d’affaires de ce qu’on pourrait présenter comme la société touristique vallée de Chamonix est d’1,4 milliards d’euros et que cette dernière donne vie à 8 400 emplois.
Article issu du Dauphiné Libéré