Maître des courants d’air et de la gravité, il se balance depuis des avions et des falaises, bras et jambes écartées, pour toucher du doigt le rêve d’Icare. Voler, durant cinq minutes, à l’aide d’une combinaison ailée. Sacré champion du monde de wingsuit en 2023, Vincent Descols, le bien nommé, a voué sa vie à ce sport, et travaille aujourd’hui à en dépasser les limites.
Entre Superman et l’écureuil volant
À l’origine, Le Blond – comme on l’appelle dans le milieu – est ingénieur en aéronautique et pilote d’avion de loisirs. Lorsqu’il a un moment de libre, il apprend le parachutisme. Autant dire que l’air est incontestablement son élément. C’est sur une base qu’il découvre pour la première fois ces étranges combinaisons de vol, entre Superman et l’écureuil volant. C’était il y a 16 ans.
« À l’époque, le wingsuit était encore balbutiant. La discipline a été inventée dans les années 90, c’était les premiers matériels. Ça m’a intrigué, et j’ai pu revêtir la combinaison après 200 sauts et une formation en chute libre. Il y avait encore tout à découvrir », se souvient-il.
Avec les Alpes comme terrain de jeu mondialement réputé, il n’y avait plus qu’à se lancer. C’est ce qu’il fait, avec un groupe d’amis. « On était l’équipe Vercors Base, parmi les pionniers de la discipline. Ensemble, nous avons utilisé de nouvelles techniques pour préparer nos sauts : mesurer les falaises avec des lasers ou utiliser un GPS pour travailler nos trajectoires de vol. Ça nous a permis de faire de grandes premières dans le massif du Mont-Blanc : un premier saut depuis la face nord du Mont-Blanc, l’Aiguille du midi ou encore le Brévent…» C’étaient les sauts les plus hauts du monde à l’époque.
« Il est tout à fait possible de pratiquer en toute sécurité en s’écartant des falaises »
Des exploits sportifs qui leur permettent de participer aux premières compétitions dans les années 2010, et de donner davantage de visibilité à la discipline. Depuis, les techniques ont évolué… Et les mentalités aussi. « Le wingsuit est à la fois parmi les sports les plus extrêmes et parmi les plus sûrs… Si on saute depuis un avion ou un aéronef », lance Vincent Descols.
Il faut dire que le vol libre en montagne n’est encadré ni par la fédération ni par des organismes régisseurs officiels. Cette pratique n’étant pas réglementée, chacun y met ses propres limites. « Les marges de sécurité sont propres à chacun. Il est tout à fait possible de pratiquer en toute sécurité en s’écartant des falaises, mais certains pilotes ont une pratique extrêmement engagée, qui s’apparente plus aux kamikazes qu’à de l’aviation de ligne. »
Si les uns repoussent les limites de la pratique en prenant des risques, lui préfère repousser les limites du sport.
Champion du monde de précision en 2023
D’abord en compétition. En 2023, il est sacré champion du monde de précision en Chine. « Lors de ces épreuves, on devient une flèche humaine. L’objectif est de traverser des cibles en papier grâce à une pointe placée sur le casque. Plus on se rapproche du cœur de la cible, qui mesure 10 cm de diamètre, plus on gagne de points. » Seule une cinquantaine de wingsuiters à travers le monde a le niveau pour participer à ces compétitions.
En marge des courses, Vincent Descols voit plus grand. En 2021, il lance les premiers vols en tandem. Une expérience unique au monde, dont l’idée part d’un défi entre copains.
« Au début de la pratique, on cherchait une solution pour transporter des amis. Des parachutistes s’attachaient par des poignées, des cordes… » Mais comment ouvrir un parachute avec du poids sous la wingsuit ?
Quelques années plus tard, Vincent Descols trouve la solution avec son entreprise Sky vibration, après des heures de travail avec des ingénieurs et des experts. Les tests ont lieu Afrique, car la législation européenne interdit ces vols. « Nous avons mis au point une combinaison qui se gonfle d’air et se rigidifie une fois en vol. Le moniteur est placé au-dessus du client, qui est tenu grâce à un harnais. »
Le wingsuit en tandem est né. Une fois les procédures de sécurité validées, l’entreprise obtient une assurance, une certification délivrée par l’aviation civile en France et en Belgique… Et l’autorisation de commercialiser les vols, y compris en Europe. Une première mondiale.
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« Motoriser la wingsuit pour augmenter les capacités de vol »
Mais Le Blond ne compte pas s’arrêter là, et planche déjà sur un nouveau projet : E-wings. « L’idée est de motoriser la wingsuit pour augmenter les capacités de vol et permettre de naviguer entre les nuages. » En clair, quatre turbines électriques seraient installées sous la combinaison pour permettre de voler plus longtemps, plus loin et plus vite.
Si les premiers prototypes sont prometteurs et que le propulseur fonctionne, la technologie de E-wings est encore en cours d’élaboration. Il faudra donc patienter quelques années avant d’observer ces nouveaux oiseaux traverser le ciel, mais Vincent Descols en est certain, cela se fera. Aucun doute, il sera parmi les premiers à enfiler sa combinaison.
Article issu du Dauphiné Libéré