C’est un secret de Polichinelle pour les connaisseurs, qu’on hésite à ébruiter, histoire de préserver l’esprit des lieux des assauts des profanes. Oui, on peut passer la nuit au cœur de cette descente, à la fermeture des remontées mécaniques. Un peu comme dans les Bronzés, mais en moins olé olé quand même. Le premier bâtiment était une ancienne bergerie, la Montagnette, retapée par les guides des Belleville dans les années 80. Mais en 2014, juste à côté de l’étape historique, la commune a faire bâtir le nouveau refuge du lac du Lou, ouvert huit mois sur douze, qui connaît un succès croissant. Au diapason de celui des Menuires qui, cet hiver, voit déferler encore 4 % de skieurs en plus sur ses pistes.
L’un des versants sauvages des 3 vallées
Par temps d’enneigement incertain, les sites de haute altitude font figure de zones de repli et la porte d’entrée des Trois vallées ne déroge pas à la règle. Pour autant, ce vallon du Lou (rien à voir avec le prédateur), qui tire son nom du mot patois désignant un lac, demeure l’un des versants sauvages du plus grand domaine skiable au monde, alors même qu’il sépare deux stations mastodontes.
« On peut y accéder depuis la Cime Caron, à 3 200 m, au sommet de Val Thorens. Et avec la Masse, au top des Menuires, deux portes d’entrées se regardent pour gagner cette vallée immense, vierge de remontées mécaniques et d’habitations. On bascule dans un endroit hors du temps, où le silence et les grands espaces contrastent avec le bouillonnement des fronts de neige », décrypte Benjamin Blanc, patron de la régie des pistes des Belleville.
D’après les moniteurs, ce vallon extra-large offre un hors-piste à la carte, pas un pylône à l’horizon, cochant toutes les cases. Qualité de neige, orientation, altitude et variété des itinéraires, du plus débonnaire, pour ses premières traces en profonde au plus expert, au-delà de 30° sous la cabane des pisteurs ou les flancs des crêtes nord, frontières naturelles avec la Maurienne.
1 000 mètres de descente loin du tumulte
En ce cœur d’hiver, la Pointe de la Masse, 2 803 m, reste la rampe de lancement idéale pour 1 000 mètres de descente loin du tumulte. Le vallon est déjà bien tracé, deux jours après la dernière chute. « Mais cette fréquentation n’est pas un blanc-seing en termes de sécurité », prévient Benjamin Blanc. Le reste de grandes avalanches parties des contre-pentes atteste qu’on est bien en domaine non sécurisé. Rien de difficile, au creux des combes, souvent bien bosselées, ponctuées de replats.
Quand le soleil darde ces rayons sur cet itinéraire orienté sud-est, mieux vaut s’y aventurer le matin. La promesse de neiges veloutées et d’une halte réparatrice au refuge du lac du Lou. Avec l’étendue d’eau gelée qui le borde, il compose une carte postale dépaysante au royaume de la montagne aménagée. C’est ici que convergent skieurs téméraires, promeneurs en raquettes contemplatifs venus du bas, ou amateurs de ski de randonnée qui depuis ce camp de base rayonnent, vers le mont Brequin, le mont du Chat ou col de la vallée étroite, au prix de 1 000 m d’ascension.
En été, c’est une étape du grand tour de la Tarentaise , et voilà qu’un tour de la vallée des Belleville est en gestation. « L’itinérance est à la mode », confie Marie, l’une des trois gardiennes. Et vu le tarif de la demi-pension, là encore, conseil de routard des neiges, en quête de séjour dans les Trois vallées, ce peut être le bon plan, d’autant que la promiscuité des dortoirs coqués reste supportable.
On est là en zone périphérique du Parc de la Vanoise. L’esprit de ce dernier souffle. A fortiori depuis la fin de la décennie passée. À l’époque, le projet de tracer une piste balisée dans ce vallon et de l’équiper dans sa partie basse d’un télésiège a suscité une levée de boucliers. Contestation, pétition, manifestation… Le projet est enseveli, l’espace sanctuarisé. Mais, dans le même temps, le versant voisin de la Masse, le plus sous skié des Trois vallées, est réorganisé. En sortie de Covid, une télécabine supersonique à 22 millions d’euros permet d’accéder au top des Menuires en 8 minutes contre 25 auparavant. Davantage de fluidité pour moins de pylônes, incitant la clientèle du super domaine à découvrir un secteur excentré, au potentiel sous-estimé. Donc le vallon…
La vallée des Encombres est encore plus sauvage
Pour autant, depuis trois ans, le service des pistes, qui intervient dans le secteur, accessible par gravité avec retour au front de neige, n’a pas noté de surcroît de demandes de secours. Une fois au refuge, le final rejoint l’espace damé et balisé, sous le télésiège du Plan de l’Eau, le plus bas de Val Thorens, avant que le boulevard Cumin, piste bleue à la mémoire de l’ancien maire de la vallée, pionnier de l’or blanc et fondateur des Menuires, nous ramène au départ de la Masse.
On reprend la télécabine comme on remonte dans un carrousel. C’est reparti pour un tour mais une fois là-haut, l’envie prend souvent les skieurs à spatules chercheuses de mettre le clignotant à gauche, dans l’autre vallée, celle des Encombres. La pente y est plus douce, mais l’ambiance encore plus sauvage excepté la présence d’une grande ligne haute tension.
L’aventure relève plus du ski balade et offre parfois la chance de ne pas croiser un chat mais des chamois, blanchots, voire de vrais “loups” avec un “p”. C’est que cet itinéraire bis est encore plus long, 1 400 m, et relève du ski de fond sur son final, traversant des hameaux d’estives. Surtout, il exige une certaine logistique puisqu’il débouche au hameau du Châtelard, en aval des pistes de Saint-Martin de Belleville, le stop ou le taxi sont les seuls remonte-pentes susceptibles de vous ramener au bon port des Menuires.
Dans cet article, nous évoquons le refuge situé près du lac. Si le premier bâtiment, la montagnette, une ancienne bergerie a bien été retapée par les guides de la vallée des Belleville, dans les années 80, le second, situé à proximité est son extension (319 m2, deux niveaux). Ce nouveau refuge est le fruit du projet d’extension décidé en 2014 par la commune des Belleville pour répondre aux attentes d’une large clientèle. Achevé en 2017, il a été exploité jusqu’en 2022 par le bureau des guides. Le refuge du lac du Lou est aujourd’hui géré en concession de service public par trois personnes.
Article issu du Dauphiné Libéré