Un voyage interstellaire au cœur des Alpes: découvrez l’observatoire de Saint-Véran

Dire qu’il y en a qui dépensent des fortunes pour embarquer à bord de Virgin Galactic, Blue Origin ou Space X. Alors qu’on peut se payer un voyage dans les étoiles pour le prix d’une nuit en refuge. Avec la garantie de ne pas rester bloqué dans la promiscuité d’une station spatiale. Un petit effort à ski de randonnée depuis les pistes, ou quatre heures de raquette à partir de Saint-Véran, 2040 m d’altitude et plus haut village d’Europe, suffisent à vous embarquer par-dessus le mont Viso, Cervin des Alpes du sud. Direction… l’espace.

Photo Le DL/Bertrand Riotord
Photo Le DL/Bertrand Riotord

Une coupole qui s’ouvre à la manivelle

Depuis 2015 et grâce à des fonds européens, les vieilles cabanes en tôle de cette extension de l’observatoire de Paris, planté en 1974 sous le pic de Château Renard, 2989 m, ont cédé la place à un refuge d’une vingtaine de couchages.

De ce camp de base, aux airs de vaisseau intergalactique, on rejoint, les pieds au sec, les deux coupoles. La plus grande, celle d’origine, style Eiffel, a été transférée par le CNRS depuis le site parisien. À l’origine, des astronomes professionnels venaient y étudier la couronne du soleil. Ils savent ce qu’ils doivent au télescope Cassegrain, 62 cm pour 9 mm de focale, perché sur une estrade, qui a permis de lever le voile sur quelques astéroïdes, devenant au fil des décennies le monopole de tous les clubs d’astronomie de France et de Navarre. La coupole abrite toujours l’appareil rustique et lourd (1,5 tonne) qui s’ouvre à la manivelle nécessitant de longues minutes pour actionner le cimier.

« Ça peut descendre à -25° C »

Mais c’est à l’autre extrémité de notre navette, que commence ce que Dominique Gentil, compagnon de bord avec son fils et sa belle-fille, qualifie de « voyage ». Un bien beau cadeau de Noël offert à ce résident secondaire de Molines, homme d’image, qui a tourné avec Arthus Bertrand (Home) et Jacques Perrin (Le Peuple migrateur). Et pourrait être blasé.

Dans la coupole “Grand-Queyras”, avant le repas tiré du sac, Sébastien Brouillard, astronome en chef, est notre guide interstellaire. Il acclimate ses passagers, triple couche sur la peau, et panoplie de rigueur : doudoune grand froid, bonnet, gants. Bref, tenue d’astronaute. Deux heures que le soleil est couché et une fois la coupole ouverte pour dégager le champ au télescope plus moderne, automatique, la température ambiante est de -12° C. « Ça peut descendre à -25° C », positive le patron de l’observatoire.

Embarquement pour le système solaire. Direction Vénus, enveloppée de nuages, à l’atmosphère composée à 90 % de gaz à effet de serre, puis Jupiter et Saturne à 1,5 milliard de km de là. Dans l’œilleton, cette dernière apparaît tel un bilboquet, les anneaux en l’air, en raison du stade avancé de son orbite au cours de sa révolution de 25 ans pour faire le tour du soleil. Mars conclut la première observation, mais la nuit promet d’être longue. La plus longue de l’année en cette veille du solstice d’hiver.

150 nuits parfaitement claires par an

Si les astronomes ont jeté leur dévolu sur ce site, c’est que son ciel est l’un des plus purs au monde, son indice de pureté, le “seeing’’ atteint le top. L’absence de turbulence grâce à l’éloignement de centres urbains, son altitude, un air sec et un ciel rarement encombré de nuages, offrent quelque 150 nuits parfaitement claires par an. Dans le télescope braqué sur Andromède, on distingue même les lueurs de Turin, métropole la plus proche de l’autre côté des Alpes.

Une situation privilégiée qui classe Saint-Véran dans les cinq meilleurs sites au monde pour observer l’univers. En France, il est même plus haut que le pic du Midi dans les Pyrénées. Ce dernier, équipé d’un téléphérique est aussi plus accessible.

Jusqu’en 2020, l’observatoire de Château Renard Paul Felenbok a failli être lui aussi câblé. Mais le projet, porté par la précédente municipalité a avorté, dans la polémique, ici en plein cœur du parc naturel régional du Queyras. La nouvelle équipe a repris en régie l’observatoire et son activité au public, limitée à l’été depuis 2015 est étendue au reste de l’année depuis 2023. Il n’y a guère que l’observatoire du Sphinx, perché au sommet du glacier d’Aletsch en Suisse, accessible par le plus haut train à crémaillère d’Europe, qui le toise du haut de ses 3572 mètres d’altitude, sur un éperon rocheux de la Jungfraujoch.

Orion, Andromède et les constellations majeures de la voûte céleste hivernale

Outre les clubs d’astronomie venus de toute la France, aux ailes de saisons, le public au pied montagnard est désormais accueilli sur réservations – limitées à huit places – l’hiver. Quelque 1600 personnes vivent ainsi dans la peau d’un astronaute le temps d’un séjour là-haut.

Quand on avance dans la nuit, on pénètre en profondeur la voûte céleste. Nous voilà partis rejoindre Orion, Andromède et les constellations majeures de la voûte céleste hivernale, aux confins de la voie lactée jusqu’aux bords des toutes premières galaxies. À la découverte d’étoiles naissantes, nébuleuses diffuses, nuages de gaz tourbillonnant, amas ouverts ou globulaires… Ces merveilles stellaires n’ont plus de secret pour Sébastien, ex-ingénieur, passionné d’astronomie depuis l’école primaire, qui a quitté son Yonne natale pour le Queyras en 2000. Voilà quatre ans qu’il vit là-haut, ne redescendant qu’une fois par semaine. On comprend pourquoi certains amoureux du lieu rêvent de voir cet environnement consacré réserve internationale de ciel étoilé.

Et quand on rejoint son dortoir, dans la chaleur de son duvet, c’est pour mieux se réveiller à l’aube, observer le soleil naissant qui a rendez-vous lune, avant d’inonder la chaîne des Écrins.

Article issu du Dauphiné Libéré

Découvrez nos lectures liées
Restez informé, suivez le meilleur de la montagne sur vos réseaux sociaux
Réserver vos séjours :
hébergements, cours de ski, forfaits, matériel...

Dernières actus