« Je passe par les Marmottes et puis je… »
Des grésillements noient le reste de la phrase crachée par la radio de Laurent Philippe, dameur à la station d’Orcières Merlette. « On ne comprend pas toujours tout ce que les copains racontent » sourit ce natif du Champsaur, avant de demander à son collègue de répéter.
Dans la cabine de sa machine, il sillonne les pistes avec les six autres membres de l’équipe du soir depuis 17h30, jusqu’à 2h du matin, heure à laquelle deux autres dameurs prennent le relais. « On part dès que la voie est libre. »
L’objectif ? Pouvoir travailler la neige avant que le vent et le froid ne s’en chargent pour eux.
Trois outils
Leur mission, remonter l’or blanc et le replacer au centre de la piste après que les skieurs l’ont poussé vers le bas et sur les côtés. « Si on ne le fait pas directement, le froid va fixer la neige et ce sera beaucoup plus dur de la remettre correctement. » Pour ce faire, la dameuse a trois outils à disposition.
La lame à l’avant casse les bosses, bouche les trous et déplace la neige là où elle doit retourner – généralement en haut et au centre, mais savant tout aux endroits où elle fait défaut.
À l’arrière, la fraise est un gros tambour rotatif chargé d’écraser et fixer la neige. Un peigne trace ensuite sur le manteau blanc les fameux « traits que les lève-tôt auront la chance de trouver durant les premières descentes. » Des traits pas là uniquement pour faire joli : ils augmentent la surface de contact avec l’air, ce qui refroidit et solidifie plus rapidement la piste
Un jouet pour les grands
.« Ça a peut-être l’air compliqué de l’extérieur, mais c’est vraiment une machine simple à maîtriser. » Laurent se livre à une petite démonstration pour illustrer ses dires. Sous la main gauche, deux petits leviers, un pour chaque chenille. On les pousse en avant pour avancer, tire en arrière pour reculer. En jouant avec l’inclinaison il est possible de tourner et même de faire un demi-tour sur place.
« Et avec la main droite je gère la lame, la fraise et le reste. » Avec dextérité, il manipule un manche, ou joystick, bardé de boutons. La lame répond à chacune des impulsions. À ses pieds, un petit écran indique la dameuse vue du dessus. Le GPS indique l’épaisseur de la couche neigeuse et montre les endroits où il faut s’attarder. Enfin, les machines peuvent être munies d’un treuil, mais pas celle de Laurent.
« Laurent, je sors accrocher. » Léo, dont la voix vient de jaillir de la radio, a en revanche une dameuse toutes options. « Ok, reçu. » Sortir accrocher, c’est sécuriser le treuil en haut de la piste. Le câble permet à la dameuse d’évoluer en toute sécurité sur une piste très raide ou de lui donner plus de puissance lorsqu’il y a plus de neige à remonter. « Je suis rentré », halète Léo à la radio, quelques minutes plus tard.
« Un vrai travail d’équipe »
Nouvel accusé de réception de Laurent. « Il y a un échange permanent entre nous, explique-t-il. Surtout ceux qui utilisent un treuil quand ils sortent et quand ils rentrent, pour qu’on sache qu’ils n’ont pas eu de problème. » Les dameurs sont à proximités les uns des autres et peuvent venir en aide à leurs collègues si besoin. « Heureusement, ça n’a jamais été nécessaire ici, mais c’est rassurant de savoir que les autres sont là, c’est un vrai travail d’équipe. »
Et le groupe vit bien. Laurent est officiellement chef adjoint des dameurs d’Orcières, mais « on prend les décisions tous ensemble, ici être chef c’est juste quelques responsabilités en plus. » Les réflexions en équipe portent surtout sur les zones compliquées ou prioritaires et les autres difficultés rencontrées par les équipes. « Les difficultés majeures c’est la chaleur qui modifie fortement la neige et les sur les pistes après la fermeture. On est tous passionnés donc on les comprend, mais ils ne rendent pas notre travail plus simple ! »