L’animal a mauvaise réputation. Pour Benjamin Servoz, c’est pourtant une crème, capable de créer « une bulle de bien-être autour de lui, tellement il est calme et posé. » C’est d’ailleurs lui, qui est à l’origine de sa reconversion. En 2014, Benjamin Servoz, alors directeur commercial, passe ses premières vacances en famille avec un âne. Une rando itinérante en Bourgogne totalement décisive. « Conduire un âne implique d’avoir ses deux mains disponibles, le téléphone reste donc dans la poche, c’est une déconnexion imposée », sourit Benjamin Servoz.
Le directeur commercial saute le pas en mai 2021, après le rachat d’une maison familiale à Thollon-les-Mémises et avec la crise sanitaire pour catalyseur. Il quitte alors ses anciennes fonctions et embrasse la carrière d’ânier. Calico, Casimir, Gigolo… La ferme compte aujourd’hui neuf bêtes. L’investissement dans le cheptel reste assez modeste, un âne éduqué coûtant entre 800 et 1 000 €.
De la médiation à destination des enfants en situation de handicap
Benjamin Servoz tablait initialement sur une activité viable d’avril à septembre. Mais deux ans plus tard, il travaille finalement toute l’année. D’abord parce que ses ânes sont très heureux les sabots dans la neige et endure très bien la saison hivernale. Ensuite parce que Benjamin a adopté un autre créneau, celui de la médiation à destination des enfants en situation de handicap.
« Attention, c’est de la médiation, et non de l’équithérapie, insiste-t-il. C’est-à-dire que l’on co-construit avec les professionnels de santé et les intervenants paramédicaux. »
Dans ce massif des Mémises, le phénomène “marche”, dopé par les best-sellers de Sylvain Tesson ou les succès du box-office, comme Antoinette dans les Cévennes , comédie initiatique sur le chemin de Stevenson, n’ont pas attisé la demande. « La localité (NDLR : la station chablaisienne est nichée à 1 000 mètres d’altitude) fait que les gens viennent naturellement randonner ici. La vraie découverte, en revanche, est celle d’une clientèle hivernale qui délaisse de plus en plus le tout ski pour varier les activités. »
À la ferme des Genti’ânes, les départs se font en toute autonomie de l’heure au bivouac de trois jours. Et ce sont d’ailleurs ces randonnées en étapes que Benjamin Servoz veut développer. Une orientation qui passera par un agrandissement du troupeau, mais pas trop non plus, l’ancien cadre du tertiaire ne voulant plus entendre parler de management.
La randonnée se fait au pas. Au rythme de l’âne et de ses 3 km/h en vitesse de croisière. Benjamin Servoz a prévenu : « C’est comme avec un enfant, c’est de la patience et de la répétition. Si vous le forcez, ça ne fonctionne pas. L’âne évolue en troupeau, sans hiérarchie. Si vous essayez de faire le chef, vous n’obtiendrez rien. »
« Si la confiance est là, vous l’emmènerez au bout du monde »
À défaut d’une filière institutionnalisée, Benjamin Servoz s’est formé sur le tas, au travers de ses expériences personnelles, de ses rencontres avec des âniers et en s’appuyant sur une petite bibliographie.
De cette approche empirique, il retient un enseignement capital : « L’âne exige une présence physique et mentale. S’il se rend compte que vous êtes absorbés par quelque chose d’extérieur, il vous rappelle à l’ordre tout de suite et c’est alors la débandade absolue. »
Autre conseil majeur : savoir créer un climat de confiance. « Si la confiance est là, vous l’emmènerez au bout du monde, mais si vous jouez au plus fort, vous n’en tirerez rien. Contrairement au cheval, qui est migrateur, l’âne est, lui, territorial. Un bruit, une odeur suffisent à le stopper. Il suffit alors de le rassurer pour repartir. »
Renseignements sur le site de la ferme des Genti’ânes
Article issu du Dauphiné Libéré
