On n’explique pas forcément une passion naissante, ni une simple curiosité. D’ailleurs, parmi les nombreuses raisons de vouloir découvrir l’alpinisme, aucune ne fait autorité ni n’est véritablement rationnelle. Souhaite-t-on observer un lever de soleil sur un paysage décharné et sauvage ? Dépasser les barrières mentales qui enjoignent de rester au sol ? Rechercher la difficulté, la rapidité ? À chacun son écho.
Seulement voilà, on ne s’aventure pas en haute montagne à l’improviste. L’alpinisme est une activité dangereuse, qui nécessite de maîtriser des techniques de base avant de prétendre pouvoir s’y frotter. Ce qu’explique Mathieu Ghaleb, membre du bureau des guides de Grenoble : « La gestion des risques est quand même une grosse partie de l’alpinisme. Elle vient même avant la technique. On peut très bien faire une course techniquement facile, mais on devra quand même gérer des dangers », analyse-t-il, avant d’embrayer : « quand on marche sur glacier, on doit apprendre où passer pour éviter de se mettre en danger. »
La transmission, une mission des guides de hautes montagne
Car les glaciers sont truffés de crevasses, parfois rendue invisibles car recouvertes d’un léger manteau neigeux. Il faut savoir les éviter et, le cas échéant, s’en sortir. Il y a aussi des risques d’avalanches, de chute de pierres, de chute tout court… Et puis, il faut savoir quoi faire, là-haut. Ça ne s’improvise pas. En quatre mot comme en cent : il faut se former.
Ça tombe bien, la transmission des savoirs est l’une des missions des guides de haute montagne. « On a l’image du guide qui va prendre un client, l’attacher à un bout de corde et le monter à un sommet », sourit Mathieu Ghaleb. « Mais ça, c’était il y a environ 150 ans. Maintenant, ça a évolué, nous sommes aussi là pour faire de la formation. »
Certaines personnes font appel à leurs services car elles sont « obnubilées par un sommet, mais n’ont pas le niveau de compétences pour son ascension ». Mais d’autres cherchent à acquérir des connaissances pour tendre vers l’autonomie. Conséquence, les bureaux des guides ont développé une offre particulière pour cette clientèle désireuse d’apprendre. « On ne visera pas forcément une course. Mais on les emmènera sur un glacier et on leur apprendra à s’encorder, à évoluer sur un glacier, à secourir quelqu’un qui tombe dans une crevasse… C’est spécifiquement de la formation. »
À quels organismes faut-il s’adresser ?
Cette formule permet en outre à un guide de prendre en charge plus de personnes. Et donc de diviser les coûts, comme l’illustre Mathieu Ghaleb : « On peut voir les bases à six personnes. À trois ou quatre, on pourra faire une petite course. Mais sur une vraie sortie, on ne peut emmener qu’une à deux personnes. »
La formation est aussi au cœur de la mission des associations. Club alpin français (CAF) et affiliés à la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM), Fédération française de la montagne et de l’escalade (FFME), Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT)… Toutes proposent des stages d’alpinisme à partir du niveau débutant. « Ça reste la base », commente Mathieu Ghaleb. « C’est moins cher et ça permet de rencontrer du monde. En plus, les ateliers sont encadrés par des bénévoles souvent formés par des guides, voire par des guides eux-mêmes. »
Un séjour dans un centre UCPA peut également représenter un bon moyen d’entrer en contact avec la discipline. « C’est une belle structure qui propose beaucoup de stages », opine le guide. Enfin, certaines associations en non-mixité comme comme Girls to the Top ou Lead the climb proposent des séjours à un public exclusivement féminin. Une alternative qui peut paraître rassurante dans un milieu où les femmes sont sociologiquement moins présentes que les hommes, notamment d’un point de vue professionnel.
La très haute montagne n’est pas l’alpha et l’oméga
D’après Mathieu Ghaleb, il n’y a pas qu’en haute montagne que l’on peut acquérir les techniques alpines. « Les grands sommets attirent toujours, observe-t-il, mais on essaie d’orienter les clients vers des courses rocheuses. On se rend compte que selon les saisons, à partir de mi-juillet ou début août, les glaciers deviennent secs et dangereux. Et la fonte du permafrost augmente les risques de chute de pierres et les risques d’éboulements… »
À titre personnel, il lui arrive donc souvent d’emmener ses clients pratiquer l’escalade sur du pur rocher dans des massifs moins escarpés. Les avantages sont multiples : le client découvre les sensations de la verticalité, apprend à s’encorder et à bouger sur une paroi… « Une grande voie ou une course d’arête, c’est plus technique et les risques objectifs sont moindres qu’en haute montagne. On est moins gênés par l’aléa météorologique », ajoute le guide.
Selon lui, l’image de l’alpiniste et son piolet sur les sommets enneigés n’est pas représentative de la globalité de l’activité. « L’escalade, même si elle est devenue une fin en soi, reste une technique d’ascension. De nombreux alpinistes français grimpaient à Fontainebleau ou dans les Calanques, même à l’époque », illustre-t-il. Avant de conclure : « Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas aller à haute altitude qu’on ne peut pas aller en montagne. »