Qu’est-ce qu’elle est belle, la station, vue d’un télésiège ! La neige à perte de regard, un angle rare de prise de vue, l’impression d’être suspendu entre ciel et terre… On sort le téléphone, on dégante une main, on cadre vaguement, le soleil dans les yeux, et paf ! Le doigt glisse sur l’écran, l’autre main, toujours au chaud, tient mal l’appareil, qui s’échappe et file, dans la neige, quelques mètres plus bas. Forcément, avec des moufles… Que faire ?
Pas de pot, c’est le dernier iPhone 19 à quatre mille milliards de pixels et de mille sabords, bain d’huile et double arbre à cames en tête, que vous vous êtes offert pour Noël. Il accuse 1 500 € sur la balance et la carte bleue, et plus grave, tous vos contacts, non sauvegardés, sont sur la puce. D’ailleurs, si vous l’avez sorti, c’est surtout pour impressionner la jolie skieuse que le hasard a placée à côté de vous, tant par votre statut de fashion victim de la tech, ultra-équipé, que par votre audace de photographe. La tentation est alors grande de lever le garde-corps, et de sauter à la poursuite du diamant vert.
« Le bon conseil, c’est de ne rien faire »
« Surtout pas ! », s’exclame Laurent Deléglise, directeur général de la Soremet, exploitant du domaine skiable des Sybelles, le quatrième de France. C’est triste, mais dans ce cas-là, le bon conseil, c’est de ne rien faire. Sur le moment, tout au moins. Une fois arrivé au sommet, il faut bien se poser la question : « Étais-je en train de survoler une piste, ou non ? »
Dans le premier cas, on peut tenter sa chance, sortir tout son talent de chamois de bronze pour filer direct à l’aplomb du lieu du désastre. Avec un peu de bonne étoile, le bijou de technologie sera posé là bien sagement, attendant son seigneur et maître.
« Mais plus probablement, il sera enfoui, et vous ne le retrouverez pas », prévient Laurent Deléglise. Dans l’intervalle, des centaines de skieurs seront passées, la neige aura bougé. Au pire, un coup de carre aussi précis qu‘involontaire aura prestement coupé l’appareil en deux.
Deuxième hypothèse : le siège passait, à ce moment-là, dans le ciel hors d’une piste. Là, le verdict est sans appel : on n’y va pas. Au sol, c’est non sécurisé, dangereux, avec des arbres et des cailloux partout. Pas la peine d’y laisser une jambe en plus. La précieuse prothèse va y rester un certain temps.
« Au printemps, il y a des journées citoyennes pour nettoyer sous les lignes »
Mais tout n’est pas perdu. « Au printemps, il y a des journées citoyennes pour nettoyer sous les lignes », rappelle Laurent Deléglise. Car il n’en tombe pas que des téléphones. Mégots, bouteilles en plastique, gants, bonnets, papiers gras, témoignent à chaque fin d’hiver de l’imprudence ou du je-m’en-fichisme de quelques, rares mais trop visibles, usagers des remontées.
Portez-vous donc volontaire, faites ainsi une bonne action, et (peut-être…) récupérez votre bien, sans doute un peu défraîchi.
Et surtout, expliquez tout cela à la jolie skieuse. Avec un peu de chance, elle sera éblouie par votre côté flegmatique, détaché des choses matérielles, soucieux de l’environnement et de la sécurité. Et ça, ça n’a pas de prix.
Article issu du Dauphiné Libéré