« La neige au Semnoz, on sait qu’un jour ou l’autre, il n’y en aura plus. Dès lors, je pense qu’il est légitime qu’on se questionne, tous ensemble, sur ce que l’on veut pour cette station. Sur comment on imagine son évolution dans les années à venir. Et cela, il est préférable de le faire maintenant plutôt que quand on sera au pied du mur. »
Cette déclaration est signée Alexandre Mulatier-Gachet, premier maire adjoint d’Annecy et membre du groupe politique Réveillons. Il l’avait formulée lors du dernier conseil communautaire et la réitère aujourd’hui. Pourquoi ? Pour appuyer son souhait d’organiser, prochainement, un sommet du Semnoz dont le but serait de se pencher collectivement sur cette question. Explications.
Pourquoi estime-t-il que ce rendez-vous est nécessaire ?
D’après l’élu, la principale raison le poussant à mener cette réflexion est financière. « Chaque année on perd de l’argent avec la station, rappelle-t-il. En 2021, son déficit était d’environ 500 000 euros et en 2023, il était de 1,2 million. Principalement à cause du manque de neige qui fait chuter le nombre de forfaits que l’on vend. Je me demande donc s’il est préférable de continuer à dépenser l’argent du contribuable pour renflouer ce budget ou s’il ne serait pas mieux ailleurs. »
Qualifiant le tourisme quatre saisons de « chimère » – « aucune activité estivale ou printanière ne sera jamais aussi rentable que le ski alpin » –, il juge que « chercher, année après année, une façon d’équilibrer cette ligne » n’est pas une fin en soi. Et probablement une « peine perdue » vu que l’enneigement ne va pas aller en s’améliorant.
Pour ces motifs, Alexandre Mulatier-Gachet estime que l’heure est venue de prendre le taureau par les cornes. « Avant de faire face à une année sans neige qui provoquerait pas mal de casse, asseyons-nous autour d’une table et préparons la suite. »
Quelle forme ce sommet prendrait-il ?
Évidemment, s’asseoir autour d’une table, dans sa bouche, est une image. Pour ce « joyau » qu’est le Semnoz, l’Annécien milite plutôt pour un sommet qui aurait lieu… au sommet. « Ça pourrait durer toute une journée ou plus, être animé par des conférences de spécialistes (scientifiques, économistes de la montagne) et festif », lance-t-il. Bref, une sorte de village réunissant citoyens, élus, alpagistes, acteurs économiques (ESF, restaurateurs…) et salariés de la station. « Il y aurait aussi des tables rondes ou des ateliers à l’issue desquels émergeraient quatre ou cinq grands axes. »
À quelle échéance veut-il l’organiser ?
« Pour ne pas que ce sujet devienne trop politique, il faudrait que tout cela se passe en 2025, et pas en 2026 qui est une année d’élections », répond Alexandre Mulatier-Gachet. Objectif : « Fournir une feuille de route claire aux équipes qui seront en manettes après le scrutin. »
Quant à l’horizon visé pour appliquer le programme en lui-même, ce serait 2040 ou 2050.
En quoi les élus annéciens se sentent-ils légitimes à porter ce sujet ?
Si Annecy est une des communes sur lesquelles se trouve le Semnoz, elle est loin d’être la seule. Qui plus est, la station est située en dehors de son territoire. Cela, le premier maire adjoint ne le conteste pas. « Il est clair que nous ne sommes pas plus légitimes que les élus de Quintal, de Viuz ou de Leschaux pour porter tout ça. Mais à un moment donné, il faut bien que quelqu’un tende une perche, c’est ce que nous faisons. »
Pour ce qui est du court-circuitage de l’Agglomération (qui a la compétence dans ce domaine éminement communautaire), du conseil d’exploitation et du plan de gestion, l’Annécien fait dans la pédagogie : « Le conseil d’exploitation, j’y suis, et j’y porte le même message, donc on ne peut pas m’accuser de passer outre. Pour ce qui est du plan de gestion, il est, comme son nom l’indique, un outil de gestion. De la forêt, de la mobilité, des sentiers, etc. »
Enfin, s’il a bien intégré le message de la présidente du Grand Annecy Frédérique Lardet, qui est contre ce sommet, il reste persuadé que cette initiative serait « utile ».
Faut-il y voir une forme de militantisme anti-ski ?
À le croire, le débat ouvert ici ne se résume pas à être « pour ou contre le ski ». « Forcément, il y a des gens qui voudront skier jusqu’au dernier flocon et d’autres qui voudront tout arrêter tout de suite. Personnellement, je pense que tant qu’il y a de la neige, il faut en profiter parce que c’est magique et parce que le Semnoz, c’est l’école de ski des Annéciens. Mais je crois aussi qu’il faut cesser d’investir pour cela. Et préparer la bifurcation vers l’après-ski. »
À l’occasion du conseil communautaire du mois de novembre, Frédérique Lardet, la présidente du Grand Annecy, avait expliqué pourquoi elle considérait qu’organiser un “Semnoz Summit”, pour reprendre son expression, n’était pas une idée pertinente. Et pourquoi sa collectivité ne mettrait pas un euro dans ce projet.
« En premier lieu, il faut rappeler qu’on a déjà un conseil d’exploitation dont le rôle n’est pas de parler de la pluie et du beau temps, mais bien de l’avenir du Semnoz et de sa station, avait-elle signalé à l’assemblée. Ensuite, on a également un plan de gestion – qui va être validé en collaboration avec le Parc naturel régional (PNR) du massif des Bauges et le conseil départemental –, dont un des objectifs est de s’emparer de ce sujet. »
« La gestion des flux, particulièrement en été »
À ses yeux, les deux principales problématiques du site, « la gestion des flux, particulièrement en été », et « l’explosion de l’activité outdoor, indépendamment du ski », sont ou seront traitées par les organes et documents existants ou à venir. Insistant sur le fond des choses, la présidente avait répété que « le vrai sujet, ce n’est pas l’absence de neige mais bien la multiplication des usages ». Et de citer en exemple « les trailers qui fréquentent le massif la nuit avec une frontale ».
Si elle avait concédé que « rencontrer les citoyens pouvait être intéressant », l’ancienne députée avait aussi indiqué que ça l’était moins avec les professionnels, car elle les voit « au moins deux fois par an ».
Et de résumer : « Ce sommet, je ne suis pas d’accord avec, et si la ville d’Annecy veut le faire, alors elle le financera seule. »
Article issu du Dauphiné Libéré