Branle-bas de combat à Arc 1950. Le samedi 1er février au matin chez Pierre et Vacances, les appels se multiplient.
Un éboulement vient de couper la RN 90 au niveau de Grand-Aigueblanche. La circulation est à l’arrêt. La directrice du site Pierre et Vacances Premium Arc 1 950 Le Village, Laurence Audouin raconte : « On a appelé les clients un par un pour les rassurer et leur dire qu’on serait là pour les accueillir car on s’est vite rendu compte qu’ils n’arriveront pas de sitôt. »
Mais l’inquiétude a aussi gagné ceux qui devaient rentrer chez eux. Il a fallu s’adapter. Et vite. « Nous les avons invités à rester profiter des espaces bien-être et, dans la mesure du possible, on a proposé à certains de prolonger leur séjour en restant une nuit de plus et partir le dimanche », se souvient Laurence Audouin.
Un accident qui relance un débat : le « dimanchisme »
Devant les difficultés de circulation pour le premier week-end des vacances d’hiver, la directrice n’en est pas restée là. « Pour les clients censés arriver le samedi qui suit, on leur a proposé d’arriver dès le vendredi quand le logement était vacant », explique Laurence Audouin. Cette dernière en est persuadée, « à l’avenir, il faudra dédier une partie de notre stock de logements du dimanche au dimanche. »
L’éboulement a remis la question de la temporalité des séjours touristiques dans le débat public. Et ce, à la faveur d’une phrase glissée par le préfet de la Savoie François Ravier en conférence de presse le jeudi 6 février, en prévision du trafic annoncé : « On estime que si 30 % des automobilistes du samedi passaient le dimanche, il n’y aurait plus de bouchons. »
Au-delà du cas de ce premier week-end des vacances d’hiver, une étude de l’Assemblée Pays Tarentaise Vanoise (APTV) préconise même un simple report de l’ordre de 15 % pour fluidifier le trafic et rendre possible l’accès aux stations sans bouchons.
Une mesure qui présente plusieurs avantages…
La tendance s’observe déjà dans les stations de Tarentaise. Chez Pierre et Vacances, on donne même un nom à ces clients adeptes du jour dominical : les “dimanchistes”. Que gagnent ces vacanciers à partir le dimanche ? D’abord, du pouvoir d’achat. « Les billets de train sont moins chers le dimanche », observe Laurence Audouin. Une donnée importante car 25 % des vacanciers se rendent aux Arcs par le ferroviaire.
Côté automobilistes, la circulation est plus fluide. Le samedi 15 février, 34 000 véhicules ont circulé en Tarentaise contre deux fois moins le dimanche 16. De quoi gagner en « tranquillité d’esprit », selon la formule de la directrice de Pierre et Vacances à Arc 1 950.
… et qui a déjà fait ses preuves
Plus haut dans la vallée, sur la station de Val d’Isère , les hébergeurs se sont déjà convertis. Sur la trentaine d’appartements que gère Céline Demarson via sa conciergerie CT Services pour le compte de propriétaires de la station avaline, 50 % sont loués du dimanche au dimanche.
Face à cette nouvelle donne, le reste du parcours client s’adapte. À commencer par les loueurs de ski. Aodren Le Bras, responsable du magasin Ski Republic à Val d’Isère, voit d’un bon œil ce décalage des séjours : « Ça permet d’étaler le gros du trafic sur plusieurs jours. C’est moins de pression à gérer. » Seul bémol pour lui : la plupart des locations restent du samedi au samedi, donc le matériel n’est pas toujours disponible pour les personnes dont le séjour court du dimanche au dimanche.
En bout de chaîne, les écoles de ski se sont aussi mises à l’heure dominicale. « Nous proposons des cours à partir du lundi depuis déjà une vingtaine d’années », se réjouit Franck Trioullier, directeur de l’École du ski français (ESF) de Val d’Isère. Mais ce dernier précise que le passage des étoiles est fixé au vendredi pour tous, ce qui raccourcit la semaine de cours des vacanciers arrivés le dimanche.
« Lors des vacances scolaires, on propose malgré tout une journée de cours supplémentaire le samedi pour les parents qui le souhaitent », ajoute Franck Trioullier. Quand d’autres peuvent préferer profiter d’une journée plus détente sur des pistes moins chargées. « La journée du samedi, sans cours, permet souvent aux parents de pouvoir skier avec leurs enfants et constater leur progression », observe de son côté Le Club Med qui propose depuis les années 1990 uniquement des séjours du dimanche au dimanche.
Alors pourquoi ça n’existe pas assez ?
De l’avis des professionnels rencontrés, le principal frein au décalage des séjours est surtout culturel. « Ce n’est pas encore entré dans les mœurs des clients », constate Laurence Audouin. Les vacanciers étant habitués à avoir un jour de repos chez eux avant la reprise du travail. Du chemin reste encore à parcourir pour rendre le dimanche attractif.
Un cas d’école. Club Med, propriétaires de plusieurs établissements à Tignes-Val Claret , Val d’Isère, La Rosière ou Arc 1 600, propose à ses clients uniquement des séjours du dimanche au dimanche. Et ce, depuis plus de trente ans. « Club Med était l’un des pionniers [en la matière] », s’enorgueillit l’opérateur au trident. Une politique alors à contre-courant que l’hébergeur justifie a posteriori ainsi : « Cela permet [à nos clients] d’éviter de subir les embouteillages, les gares et les aéroports particulièrement surchargés sur les journées du samedi et représente un gain appréciable de confort et de fluidité pour leur voyage. » Jusqu’à 8 000 clients du Club Med se rendent dans les stations françaises sur un dimanche.
Un système gagnant-gagnant
Mais il fallut que le reste de la chaîne s’adapte. En premier lieu, les écoles de ski. « Le Club Med a un partenariat historique avec l’ESF, qui remonte à la fin des années 90 », expose l’hébergeur. Un accord gagnant-gagnant selon Club Med : « Les cours sont proposés du lundi au vendredi soir. Cela permet aux moniteurs d’être libre d’organiser leur samedi, mais aussi leur dimanche. Avec ce rythme, cela permet plus de flexibilité aux moniteurs, qui peuvent choisir de travailler le week-end en cours particulier en complément s’ils le souhaitent. »
Côté clients, le dimanche comme jour d’arrivée et de départ est devenu un critère de choix à en croire les enquêtes de satisfaction menées par l’opérateur. Ce dernier ajoute : « La journée du samedi permet d’avoir très peu de monde sur les pistes, offrant ainsi une journée qualitative pour skier en famille ou entre amis. »
En prévision des JO 2030
Pour Vincent Rolland, un tunnel serait la solution idéale pour sécuriser le secteur sur le long terme. Mais peut-être pas la seule solution : « Certains évoquent la possibilité d’installer des casquettes ou des paravalanches. Comme dans les gorges de l’Arly ou vers Champagny-en-Vanoise. Lors des discussions de l’époque, il avait été expliqué que l’énergie cinétique des masses rocheuses pourrait détruire ces équipements de protection. Est-ce qu’aujourd’hui il existe d’autres techniques ou d’autres matériaux plus résistants ? C’est à étudier ».
Si les élus insistent sur la création d’un nouveau tunnel, c’est aussi en prévision des Jeux olympiques et paralympiques de 2030. « Les infrastructures de transport devront être opérationnelles pour cet événement. Dès le début de la candidature, outre l’amélioration du réseau ferré, nous avions revendiqué la création d’un tunnel dans ce secteur. Évidemment, les JO sont un accélérateur pour les projets. Certes, les délais sont limités d’ici 2030. Malgré tout, comme pour les Jeux de Paris, il sera possible de voter une loi spéciale pour accélérer les procédures ».
Article issu du Dauphiné Libéré