« Le risque initial, c’était que cinq millions de mètres cubes partent d’un seul coup. Ce n’est pas ce qui s’est produit », explique le géomorphologue Ludovic Ravanel. À Blatten, la paroi s’est désagrégée sur plusieurs jours développe le chercheur du laboratoire Edytem et directeur de recherches au CNRS, « toute une série d’écroulements s’est déposée sur le glacier. Celui-ci a récupéré énormément de matériaux rocheux, cela se compte en dizaines de millions de tonnes, ce qui a eu pour effet de l’accélérer progressivement ».
Quelques heures avant l’effondrement de la montagne, mercredi 28 mai vers 15 h 30, la vitesse du glacier de Birch atteignait plus de 10 mètres par jour. Lors de l’effondrement global, « une grosse partie du glacier et ce qui était dessus est tombée », décrypte le scientifique Français.
Les volumes et les masses sont colossaux. Les chercheurs devront reprendre le fil des événements, avec la cascade d’éboulements survenu les jours précédents et ayant atteint le glacier. À ce volume rocheux, quel est le volume de glace qui est parti ? Pour le géomorphologue, si l’on a trois millions de mètres cubes de roche, on a certainement au moins le double, quelque chose qui devrait avoisiner ou dépasser les dix millions de mètres cubes.

« Nous avons des sites qui sont suivis »
Ce genre d’événement naturel n’a pas d’autres équivalents dans les Alpes. En Italie, à Courmayeur, le glacier de Planpincieux sur l’arrière des Grandes Jorasses a été sous le feu des projecteurs lors des étés 2020 et 2021, mais le hameau en dessous n’a finalement pas été touché. « À Planpincieux, c’est le fond du glacier qui est instable, mais les volumes ne sont pas comparables et il n’y a pas de paroi rocheuse au-dessus qui pourrait alourdir le glacier », indique Ludovic Ravanel.
En France, le scénario de Blatten n’est pas d’actualité. Dans le grand sujet des risques glaciaires et périglaciaires lié au réchauffement climatique et à la fonte du permafrost, les scientifiques n’ont pas de crainte pour un village en particulier. « Pour l’instant, nous n’avons pas de signaux avant-coureurs sur des secteurs qui pourraient subir la même évolution, même si nous avons des sites qui sont suivis : le glacier de Taconnaz, le glacier des Bossons dans les prochaines années ».
Le plus gros événement français s’est déroulé l’an dernier au mont Pourri en Vanoise avec 700 000 m³. L’écroulement avait provoqué une avalanche qui avait parcouru 1,5 kilomètre, mais « heureusement, se souvient le spécialiste de la géologie alpine, cela n’avait pas provoqué de dégât ».
Article issu du Dauphiné Libéré