Moule quagga : pourquoi le lac d’Annecy résiste encore à l’envahisseur

L’espèce exotique envahissante, déjà présente dans le Léman et le lac du Bourget, n’a toujours pas été vue dans le lac d’Annecy même si sa présence est attestée depuis deux ans par des traces ADN.

Quatre centimètres de long, deux de large et un pouvoir de nuisance inversement proportionnel à son format lilliputien. Originaire du bassin du Dniepr en Ukraine, la moule quagga (dreissena bugensis) colonise les plans d’eau douce d’Europe et d’Amérique du Nord, où elle prolifère de manière incontrôlée dans les profondeurs en causant des dégâts considérables.

Dans les Alpes, les lacs du Bourget et du Léman sont infestés depuis 2015 et 2019. Entre les deux, celui d’Annecy résiste encore. L’espèce exotique envahissante n’y a pas encore été repérée visuellement, même si le lac est officiellement considéré comme contaminé depuis le printemps 2023, suite à la découverte de traces d’ADN de moule quagga dans des échantillons d’eau.

« La politique de sensibilisation limite sa propagation »

Deux ans plus tard, la situation n’a pas évolué. Le mollusque reste toujours invisible des plongeurs et des pêcheurs qui assurent une veille de l’état du lac. C’est plutôt une bonne nouvelle pour le Syndicat mixte du lac d’Annecy (Sila), chargé de la gestion du plan d’eau.

« Cela veut dire que la politique de sensibilisation qu’on mène limite sa propagation », estime Fabienne Grébert, vice-présidente du Sila en charge des études, des suivis scientifiques et des nouveaux usages liés au lac. Le Sila, qui a commencé à faire de la prévention en 2018, distribue des flyers et a posé des panneaux sur les plages et les zones de mises à l’eau.

Le message est simple : il incite les propriétaires d’embarcations (y compris les kayaks, paddles, skis nautiques) et les plongeurs qui pratiquent sur d’autres plans d’eau, à bien laver et sécher leur matériel avant de venir sur le lac d’Annecy.

Photo Le DL/Guillaume Faure
Photo Le DL/Guillaume Faure

La moule quagga, c’est l’espèce qui inquiète le plus

Engagé dans une course contre la montre contre l’envahisseur, le Sila a entamé « une réflexion à grande échelle, encore embryonnaire à ce stade » selon son président Pierre Bruyère, pour contrôler l’accès aux seize mises à l’eau du tour du lac. Il pourrait par exemple demander un “ticket de lavage” aux propriétaires de bateaux. En Suisse, des cantons ont déjà introduit cette obligation. La moule quagga n’est pas la seule espèce exotique repérée dans le lac d’Annecy et chez ses voisins, mais c’est celle qui inquiète le plus, et de loin, à cause des dommages à la fois environnementaux et économiques qu’elle provoque.

Environnementaux : l’espèce, qui se nourrit de plancton, est vorace et filtre énormément d’eau, jusqu’à deux litres par jour pour une seule moule adulte. Sa prolifération assèche le garde-manger des poissons et perturbe la chaîne alimentaire.

« De plus, lorsque les moules meurent, elles tombent au fond de l’eau. Cela provoque une accumulation en grande quantité de matière organique, qui utilise de l’oxygène et diminue l’oxygénation des lacs », explique Thomas Martin, responsable du service milieux naturels et lac d’Annecy au Sila.

Photo Le DL/Muriel Rottier
Photo Le DL/Muriel Rottier

« Les dégâts se chiffrent en dizaines, voire en centaines de millions d’euros »

Économiques : les grappes de moules colonisent les installations sous-lacustres, comme les canalisations des captages d’eau, qu’elles obstruent et abîment. « Les dégâts se chiffrent en dizaines, voire en centaines de millions d’euros », souligne Fabienne Grébert. L’enjeu est énorme pour le Sila, qui puise dans le lac d’Annecy l’eau potable utilisée par plus de 200 000 habitants. « Nos services sont en alerte, c’est un risque majeur qu’on essaye d’anticiper », résume Pierre Bruyère. Cette course contre la montre se fait à armes inégales, car lorsque la moule quagga se multiplie, à raison d’un million d’œufs par an et par mollusque, il n’est plus possible de l’arrêter.

Dans les lacs suisses qu’elle colonise et notamment le Léman, les chercheurs qui travaillent sur le sujet estime que d’ici vingt ans sa population sera multipliée par 10 ou par 20.

D’autres espèces invasives

D’autres espèces exogènes considérées comme invasives ont déjà colonisé le lac d’Annecy. On trouve dans ses eaux la moule zébrée ( Dreissena polymorpha), originaire de la même région que la moule quagga ; l’écrevisse d’Amérique qui aurait été introduite accidentellement en 1965, après s’être échappée d’un vivier à Talloires et qui a supplanté l’écrevisse endogène du lac ; sa cousine l’écrevisse de Californie, ou Signal.

Enfin, en  2024 a été repérée pour la première fois une petite crevette rouge sang ( Hemimysis anomala ), déjà présente dans d’autres lacs alpins. Toutes ces espèces « posent toutefois peu de problèmes », remarque Thomas Martin. Bien moins que la moule quagga.

Article issu du Dauphiné Libéré

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