Remontées : quels sont les différents enjeux pour améliorer la sécurité ?

Plus de peur que de mal, ce 11 août 2019 à Chamonix, pour les 150 passagers du Montenvers. Le train déraille et bascule 30 mètres plus bas. Le conducteur était distrait par son téléphone sur lequel il regardait… Un grand Prix de F1. La réglementation n’avait pas encore intégré l’intrusion des mobiles dans nos vies. Désormais, il est interdit à tout agent aux commandes de l’avoir en main.

Un enjeu global

Entre France, Italie, Suisse et Autriche, le plus grave accident de transport touristique par rail ou câble depuis deux décennies est survenu au bord du lac Majeur (14 morts). Le 23 mai 2021, une cabine du téléphérique Stresa-Alpino-Mottaronea chute dans le vide suite à la rupture du câble tracteur. Le frein de chariot qui aurait pu empêcher le drame avait été désactivé par le personnel, las du déclenchement intempestif des alarmes dans un contexte d’affluence de reprise post-Covid, craignant que sa réparation exige une fermeture.

Cet événement dramatique est l’un de 46 entre 2002 et 2022 passés au crible par le Bureau d’enquête sur les accidents des transports terrestres (BEA-TT), organe public indépendant, avec le SESE son homologue suisse, synthétisant les retours d’expérience des bureaux nationaux de quatre pays alpins (France, Suisse, Italie, Autriche). Il ressort de cette méta-analyse européenne « que les actions du personnel, l’organisation de la société exploitante et la météo ont un impact sur la survenue de l’événement concerné. Les deux premiers sujets trouvent généralement des améliorations possibles, le troisième peut être mieux pris en compte et anticipé. »

L’enjeu est de permettre à la profession de tirer les enseignements de ces accidents dont l’issue a été parfois miraculeuse. Avec 5 accidents graves pour 100 millions de passages en France (lire par ailleurs), moins de 30, la remontée mécanique reste le transport le plus sûr. Plus que le métro.

Le facteur humain

Comment réduire ce facteur organisationnel et humain, cause majeure des événements étudiés (un tiers dû à des erreurs du personnel ou des violations de règles) même si le comportement inapproprié de l’usager (maladresse, imprudence) explique 85 % du volume des accidents constatés chaque année ? Plusieurs événements survenus en France, même si les conséquences n’ont été que matérielles sont à ce titre riches en enseignements.

Comme à Pra Loup (Alpes-de-Haute-Provence), le 25 mars 2018, lorsque la cabine n°7 de la télécabine de Costebelle a chuté de douze mètres peu après son départ. Heureusement elle était vide. Le BEA-TT explique la cause : en gare, l’attache de la cabine n’a pas embrayé correctement le câble, en raison du décalage de ce dernier causé par le déplacement du pylône de sortie de gare, penchant légèrement. L’alarme avait détecté l’anomalie, arrêtant l’installation. « Mais l’action des opérateurs a conduit à un mauvais diagnostic de la situation et à la remise en route sans identification, ni correction de la cause. » Le personnel, blasé par les alarmes à répétition, n’avait pas analysé le risque qu’une simple vérification visuelle n’a pas permis de localiser.

Autre exemple à Châtel (Haute-Savoie) mettant en évidence une forme de routine qui tend à s’installer. L’attention de l’agent en charge de la surveillance du débarquement du télésiège de l’Écho alpin, ce 23 février 2011, « était mobilisée par d’autres tâches ». Or l’installation n’a pas été arrêtée à temps lorsqu’un adolescent anglais, n’ayant pas pu descendre à la station d’arrivée, s’est trouvé suspendu au-dessus du vide, accroché par une sangle de son sac à dos, à son siège qui entamait son retour vers la station de départ. Il décédera 22 jours plus tard.

« Des installations qui ne tournent pas toutes seules »

Au STRMTG, le service en charge de la réglementation et du contrôle de la sécurité sur les équipements par câble ou les transports guidés sur rail, Daniel Pfeiffer le directeur confirme : « Le facteur organisationnel et humain reste la cause numéro 1. Il est rare qu’un accident n’ait pas eu de signes précurseurs et de signaux faibles qu’il faut savoir détecter ». Et d’expliquer que tous ces événements ont alimenté depuis une réflexion et des audits chez les exploitants.

« Cela reste des installations qui ne tournent pas toutes seules », rappelle-t-on au BEA-TT qui pointe aussi le paramètre vent, « à mieux prendre en compte dans la décision de maintenir ou interrompre l’exploitation ». Eole concerne 16 % des cas étudiés. L’accident survenu fin juin à Chalmazel (Haute-Loire), avec un personnel de maintenance blessé sur un siège victime de rafales en témoigne : « C’est un sujet dont on parle de plus en plus, avec des phénomènes météo soudains extrêmes » admet Daniel Pfeiffer. Si un seuil moyen de résistance à des vents de 20 m/s est généralement évoqué, chaque appareil a ses propres critères. Mais le rapport du BEA-TT démontre que le phénomène n’est jamais uniforme sur une ligne ou doit être apprécié dans sa globalité.

Ainsi, le 4 avril 2016 aux Menuires (France), alors que les anémomètres du télésiège des Granges avaient déclenché plusieurs alarmes « vent fort », un siège vide, oscillant sous l’effet d’une rafale de vent, accrochait la passerelle du pylône P10 et tombait au sol. L’installation s’immobilisait et les autres clients étaient rapatriés à vitesse réduite au terme d’une opération qui a duré une heure.

La même année, les derniers des 110 passagers du Panoramic Mont-Blanc bloqué à plus de 3400 m d’altitude, auront attendu 17h30 avant d’être évacués. L’appareil qui survole la vallée Blanche s’était arrêté, alors que le vent avait emmêlé ses câbles.

La règlementation a évolué en 2008 après la chute d’un passager de l’ancienne télécabine de Planpraz. Archives Le DL
La règlementation a évolué en 2008 après la chute d’un passager de l’ancienne télécabine de Planpraz. Archives Le DL
Quand les passagers tombent...

Dix ans qu’il n’y avait plus eu de morts sur une remontée mécanique en France. L’an dernier, aux Deux Alpes, un jeune homme chahutant dans la télécabine de Jandri est passé à travers la vitre. L’accident rappelle celui de la télécabine de Planpraz à Chamonix, en 2008. Sauf que depuis, la réglementation avait évolué. Les vitrages ont été renforcés et des pictogrammes exhortent l’usager à ne pas s’appuyer.

Car la principale cause de blessures c’est l’usage non conforme d’une remontée dans laquelle le passager joue un rôle actif, particulièrement en zone d’embarquement et de débarquement de télésiège. La sécurité sur ce type d’appareils fut la grande affaire de la décennie écoulée, après la série d’accidents en 2012/2013 (2 morts, 8 chutes en hauteur).

Depuis, les constructeurs ont généralisé des systèmes de bavettes, évitant aux enfants de glisser sous le garde-corps, même si comme l’indique Daniel Pfeiffer directeur du STRMTG, il n’y a toujours pas de normes européennes. La compatibilité avec les équipements handi-skis reste un obstacle. Le verrouillage automatique de la barre de sécurité, répandu en Autriche, fait débat chez nous, ses détracteurs pointant le risque pour l’usager de rester coincé. Enfin des radars de détection de « mal embarquement » se développent.

Avec 4,9 blessés grave (plus de 24 heures d’hospitalisation) pour 100 millions de passages en 2023, l’accidentologie est infinitésimale. Mais le ratio était deux fois moins élevé il y a dix ans. L’an dernier 34 passagers ont été victimes de chutes de hauteur sur des téléportés, 5 blessés grièvement, pour 27 accidents graves en tout. Daniel Pfeiffer note « une légère hausse notamment sur les télésièges non débrayables, que les usagers ont perdu l’habitude de prendre. Mais la mortalité reste anecdotique. »

Article issu du Dauphiné Libéré

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