« Slalom humain » et incivilités : le cri d’alerte d’un moniteur face aux dangers du ski

« L’insécurité sur les pistes, c’est de pire en pire », témoigne Anthony Robert, moniteur chevronné à La Plagne-Aime 2 000. Selon lui, les accidents sont d’abord dus à l’amélioration technologique des équipements.

« Dans les années 1970, les pistes n’étaient pas damées, t’avais des skis droits d’un mètre quatre-vingt-dix et des bosses, tu pouvais pas trop prendre de vitesse. Aujourd’hui, la qualité du matériel permet à tous les niveaux d’aller toujours plus vite, sans forcément avoir les bons réflexes », argumente le trentenaire qui est arrivé à La Plagne en 2012, quittant ses Vosges natales. Lorsque l’on ajoute à cela le tourisme de masse qui déferle en stations de ski, l’insécurité sur pistes s’en trouve accrue.

« Sur certaines pistes, t’es obligé de faire du slalom humain ! »

Et des exemples d’accidents en période de fêtes et de vacances scolaires, Anthony Robert en a à la pelle. « Un enfant de mon cours s’est fait percuter par un adulte et s’est cassé une vertèbre. C’est l’enfer sur certaines pistes, t’es obligé de faire du slalom humain ! T’as plus de chances de te taper quelqu’un ou de perdre un client dans la masse que de sortir indemne », raconte, désespéré, le moniteur en rouge. « En vacances, certains déconnectent complètement. Ils percutent pas dans le cerveau donc ils peuvent percuter des skieurs. »

Parfois, il préfère faire un détour en hors-piste pour éviter « l’autoroute ». Toutefois, les débutants n’ont pas ce luxe et doivent presque prier pour ne pas se faire percuter lorsqu’ils entament leurs grands virages.

Mais l’accident souvent maladroit peut virer à l’incivilité décomplexée. « Un adulte a violemment heurté une gamine de 9 ans en lui pétant l’épaule et s’est enfui. J’ai rattrapé le coupable et pris ses coordonnées si jamais les parents voulaient porter plainte pour non-assistance à personne en danger », raconte, amer, le moniteur.

Une autre question de sécurité sur les pistes concerne le port fortement recommandé du casque. Raillé par certains pour son manque de style et de confort, il n’en reste pas moins un équipement vital. « J’ai de très bons copains qui ne seraient plus de ce monde s’ils n’avaient pas de casque. Le casque était cassé en cinq et la tête n’avait rien », souligne celui qui le porte depuis 15 ans, grâce à son passé en saut à ski. La sensibilisation aux dangers de la montagne fait partie des missions des moniteurs. Mais quelle en est l’efficacité ?

Photo Le DL/Cyprien Durand-Morel
Photo Le DL/Cyprien Durand-Morel

Quelles solutions pour lutter contre l’insécurité ?

« Quand on voit des comportements dangereux, on fait des rappels à l’ordre, mais dans cinq minutes les skieurs fous recommencent », déplore Anthony Robert. « C’est souvent le responsable de l’accident qui blesse les autres et qui s’en sort le mieux. » Cette impunité l’a amené à réfléchir à des solutions concrètes pour limiter la casse.

« Je suis contre les amendes, mais sur des comportements très limites, les moniteurs de ski devraient être habilités à retirer les forfaits. On est comme une grande toile d’araignée déployée sur toute la station », suggère-t-il. Pour le commun des mortels, l’influenceur préconise le poids des images, avec l’affichage des dix règles de sécurité du skieur sur les poteaux des remontées mécaniques. « À force de voir ces bonhommes avec des têtes étranges, le message finit par rentrer et on l’applique. »

Car le grand mal de l’insécurité sur pistes, selon lui, n’est pas de la mauvaise volonté mais de la méconnaissance des dangers. «  La montagne peut te tuer et être sournoise. Les avalanches peuvent se déclencher sur un bord de piste ou sous un télésiège, pas forcément à cinquante kilomètres des pistes. » Deux ans avant, il était tombé des nues en voyant des skieurs en jean descendre la face nord du glacier de Bellecôte , un hors-piste engagé, avec quatre-vingt-dix mètres de barres rocheuses, cinq degrés de pente !

L’absurdité atteint son paroxysme lorsque les skieurs s’aventurent en hors-piste sans détecteur de victime d’avalanche. Ce manque d’informations et de formations des touristes, Anthony Robert l’attribue aux stations. « C’est tabou le danger, les avalanches, la prévention, ça fait peur. Si je devais me retrouver sous une avalanche et que je devais compter sur les gens, je serai mort. »

Article issu du Dauphiné Libéré

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