La tenue orange, le i dans le dos et les flammes siglées “Security patrol” incitent au contact. « Vous mettez des PV ? Il faudrait », lâche une skieuse dans la télécabine des Platières, résumant le sentiment d’insécurité sur les pistes qui revient dans les enquêtes clients. « Il y a plein de facteurs », estime Sébastien Lazzaroni, directeur du domaine skiable de Méribel Mottaret. « Des pistes et du matériel qui facilitent le ski, des clients qui n’ont pas les codes de la montagne, un vieillissement de la population de skieurs qui change la perception… » Et des flux rationalisés et concentrés.
Ni des pisteurs, ni des gendarmes des pistes
Face à une accidentologie en hausse, la Société des Trois-Vallées a apporté une réponse depuis la fin de l’hiver 2010 : les Security patrol, désormais au nombre de 11 à Mottaret, et 11 à Courchevel. L’un des derniers métiers créés en station. Inspirés des pisteurs américains, adaptés à la France, ils ne sont ni des pisteurs, ni des gendarmes des pistes.
L’idée est venue du terrain, de l’équipe volante des contrôleurs des titres de transport, pour faire de la prévention face aux comportements à risque d’une part, et de l’accueil et de l’assistance d’autre part. « Les pisteurs ont énormément d’autres missions », souligne le directeur d’exploitation, à qui le service est directement rattaché. « Les deux métiers, dont les effectifs ont augmenté, sont complémentaires. Ils peuvent aider un pisteur si besoin, en sécurisant pour éviter un suraccident. »
50 km/h. C’est la vitesse moyenne à laquelle est enregistré un skieur lambda sur une piste bleue au moyen d’un “speed gun” (qui n’est pas un radar), que les Security patrol utilisent sur des pistes dédiées, à des fins ludiques et pédagogiques, lors d’animation de sensibilisation. « On arrive très vite à 70 km/h », insiste Johann Cote.
« Ni taser, ni matraque, ni éthylotest »
« On a les mêmes droits que tout citoyen : ni taser, ni matraque, ni éthylotest, juste notre motivation, notre expérience et notre civisme pour faire ce métier », sourit Johann Cote, un des instigateurs du service. Leur métier est reconnu, mais leur rôle reste méconnu, par manque de culture.
Leur mission est large sur les fronts de neige comme en patrouille en binôme à l’écoute des radios des pistes et des remontées. Elle débute par l’accueil en bas des pistes (avec sourire et chocolat chaud les jours de mauvais temps) et par l’orientation aux caisses pour fluidifier les parcours, jusqu’aux réponses aux questions, en passant par les conseils de préparation (s’échauffer, s’hydrater, se reposer), les conseils d’itinéraires bis par rapport au niveau du skieur, aux flux, à la météo, aux incidents de remontées mécaniques, ou encore par la remise en place de la signalétique et même par raccompagner les skieurs en cas de jour blanc ou de brouillard, les aider à se relever ou à remettre un ski… Et même sensibiliser à la protection de la nature et au tri des déchets.
« On est là pour rendre service, donner des conseils pour que le séjour se passe bien. Dès qu’on voit un client sortir un plan des pistes ou s’arrêter devant un plan, on y va », résume Étienne Jollet, un autre de ces précurseurs. Tous deux ont créé le projet, la procédure, les éléments de langage… « On se sent utile dans notre rôle, avec des sourires en guise de remerciement », assure Nicolas, un des patrouilleurs.
« Il faut une main de fer dans un gant de velours »
S’il faut avoir le sens de l’accueil et une aptitude à parler anglais, ces professionnels expérimentés et aux profils différents, tous volontaires pour intégrer les Security patrol, bénéficient d’une formation en interne, notamment sur la gestion des conflits. « Ce n’est qu’une petite partie de nos missions, mais qui peut laisser une mauvaise impression aux impliqués et aux clients alentour. Il faut une main de fer dans un gant de velours, avoir une lecture rapide de la personne, savoir quoi dire, quoi faire, savoir doser le discours pour les amener sur le terrain de la réflexion », résume Johann Cote, à propos des altercations dans les files d’attente, des comportements dangereux sur les pistes ou des collisions.
Souvent, la présence des hommes en orange est une première action dissuasive. Sur une collision, ils sont là pour s’assurer qu’il n’y a pas de délit de fuite, que chaque partie a le contact de l’autre. « Il ne faut pas oublier qu’on a affaire à des clients en vacances ou qui pratiquent un loisir. En matière de vitesse, il y a ceux qui s’en rendent compte, et ceux… qui font ce qu’ils veulent. On doit arriver à les sensibiliser qu’ils sont un danger pour eux et pour les autres », renchérit Étienne Jollet.
« En France, on lutte contre le sentiment d’insécurité par une présence humaine », conclut Johann Cote. En tant que contrôleurs assermentés, il leur arrive de dresser des PV, mais pour “fraude au titre de transport”.
Membre des Security patrol à Méribel, Léa Cugat a passé l’hiver dernier à Vail (États-Unis), parmi les Mountain safety. Les Yellow jackets (vestes jaunes) pour le commun des skieurs outre-Atlantique.
« Il y a beaucoup de différences entre eux et nous », remarque la jeune femme. « Déjà, parce que ce ne sont pas les mêmes lois, ni les mêmes pouvoirs pour les pisteurs. » Parce que là-bas, les domaines skiables relèvent du privé, et non pas du public comme en France. « Ils font beaucoup de prévention à propos de la sécurité sur les pistes et, après, les pisteurs ont le droit à la répression par rapport aux mauvais comportements. En France, on peut juste le faire remarquer et rappeler les règles de base. Les seules amendes qu’on peut infliger, c’est en cas de fraude aux remontées mécaniques », poursuit-elle.
Dans les stations américaines, le chef pisteur a les « pleins pouvoirs. Dans le moins important des cas, ils peuvent prendre le forfait en photo. À la première infraction, le skieur a droit à une vidéo pour les règles de base. Mais après, en cas de mauvaise conduite, il peut voir son forfait enlevé, bloqué une journée ou même se voir interdit pour des mois en cas d’insulte ».
Avant d’en arriver aux cas extrêmes, Léa retient tout ce qui est mis en place en termes de prévention : « Les règles sont rappelées partout sur tout le domaine : sur chaque remontée, chaque plan, sur des portiques… alors qu’en France, je trouve qu’on ne les rappelle pas assez. Les skieurs ont plus connaissance de l’importance de faire attention, et elles sont sans doute aussi plus respectées par peur de la répression. »
« C’était une expérience intéressante, malheureusement c’est tellement différent que tout n’est pas transposable », conclut-elle. Mais il y a aussi des idées à repiquer. À l’image des “slow zones”, successions de filets pour faire ralentir et matérialiser sur les plans des pistes. « Les Yellow jackets sont connus, avec des équipes plus importantes et bien visibles sur le domaine, et ça renforce le sentiment de sécurité. Malheureusement, ici ce n’est pas encore le cas. Les gens ne savent vraiment ce qu’on fait qu’en cas d’aide ou de secours. »
Article issu du Dauphiné Libéré