Conflits en montagne : quand les piétons s’invitent sur les pistes de ski de fond

Un groupe de piétons engagé sur une piste réservée au ski de fond, laissant derrière eux de profondes traces de pas dans la neige fraîche, dégradant sérieusement le terrain pour les fondeurs qui arriveront quelques minutes plus tard.

La scène se passe au Semnoz, mais elle pourrait tout aussi bien avoir lieu aux Glières, à Chamonix ou à Beauregard, autant de domaines nordiques sur lesquels cohabitent chaque jour des centaines, voire des milliers de pratiquants venus s’oxygéner et s’égayer dans la neige.

Photo Haute Savoie Nordic
Photo Haute Savoie Nordic

« Les insultes, ça y va »

Des altercations entre fondeurs mécontents de voir leur terrain de jeu saccagé et piétons refusant de se faire dicter leur conduite dans un espace perçu comme celui d’une liberté absolue, Nicolas Laguillaumy, pisteur nordique au Semnoz, en voit presque tous les jours. Alors il intervient pour rappeler les règles à respecter pour partager au mieux l’espace. « Il y a deux groupes distincts. Certains n’ont pas fait attention et ils s’excusent très vite d’être au mauvais endroit, et d’autres qui savent très bien ce qu’ils font mais parce qu’ils sont d’Annecy, paient des impôts, croient pouvoir faire ce qu’ils veulent. »

Avec ces derniers, il n’est pas rare que le ton monte. « Les insultes, ça y va », déplore-t-il. L’hiver dernier, aux Glières, un pisteur a même dû déposer une plainte, après une altercation virulente avec un piéton agressif qui refusait de quitter une piste de ski de fond. La nuit, quand le domaine est laissé sans surveillance, il n’est pas rare non plus que des pistes soient endommagées par des marcheurs… voire par des motos ou des voitures, comme c’est parfois le cas au Semnoz.

Si la difficulté de cohabiter n’est pas nouvelle, elle a tendance à se faire sentir de plus en plus depuis la crise sanitaire, notamment sur les domaines proches des grandes villes. « Il y a une claire corrélation entre les incivilités et les bassins de population urbains », observe Matthieu Desprat, directeur de Haute Savoie Nordic, l’association qui fédère les 25 domaines du département. « À Agy, Brison-Solaison ou dans le Haut-Giffre, on a beaucoup moins de problèmes, parce que les pratiquants sont souvent des gens qui ont les codes de la montagne, contrairement aux primo-arrivants qu’on retrouve dans les domaines proches des villes. »

Photo Haute Savoie Nordic
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« Face à des gens qui le font exprès, on n’a pas beaucoup d’impact »

Pour prévenir ces dérives, il reste la pédagogie. Cet hiver, le domaine des Glières multiplie ainsi les posts sur ses réseaux sociaux, pour rappeler les règles de bonnes conduites… et mettre en lumière les conséquences des dégradations pour les pratiquants. Sans parler des panneaux installés sur le site et difficiles à rater, où il est clairement indiqué qui peut aller où.

« Mais quand on est face à des gens qui le font exprès, on n’a pas beaucoup d’impact », constate David Dupuis, responsable du domaine nordique des Glières.

En toile de fond de ce problème, on retrouve la nécessaire sensibilisation des pratiquants de manière plus large, puisqu’on retrouve peu ou prou les mêmes problèmes en été, quand les randonneurs aplatissent l’herbe des alpagistes dans les champs ou que les campeurs transforment les abords des lacs de montagne en dépotoir. « On n’a pas été très, très bon sur l’éducation », regrette Matthieu Desprat.

« On est un peu schizophrénique »

Il fait également l’autocritique du monde de l’outdoor. « On est un peu schizophrénique parce qu’on vend une image de liberté totale et quand les gens arrivent à la montagne, on leur dit qu’il y a des règles. Pour qu’ils le comprennent, il faut débuter dans les clubs sportifs ou à l’école. On commence à mettre en place le fait que quand les enfants font des sorties scolaires au ski, un mot soit dit par les encadrants sur le milieu montagnard et ses règles. Mais il y a une grosse inertie et ça portera ses fruits dans dix ou quinze ans. »

Sans parler des classes de neige, qui tendent à disparaître, dans lesquelles cette sensibilisation pouvait être faite. Alors, en attendant que les mentalités évoluent, les pisteurs n’ont pas fini de rappeler à l’ordre les piétons égarés…

Article issu du Dauphiné Libéré

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