Les discussions autour du projet Ananda Resort de la Côte 2000 prennent un nouveau tournant. Sans fanfare ni banderoles, les habitants du Vercors ont assisté, jeudi soir, à une réunion débat organisée dans le cadre de la concertation publique (*) demandée par l’État, qui décidera de la création d’une nouvelle Unité touristique nouvelle structurante (UTNS) à Villard-de-Lans. Si elle est menée à son terme, cette procédure permettra la construction d’une résidence de tourisme de 99 appartements (700 lits), 2450 m2 de services et commerces, ainsi qu’un pôle d’activité indoor de 7650 m2 sur l’emplacement de l’actuel parking P1.
Cette rencontre, qui a duré près de trois heures, avait pour objectif de permettre à chacun d’avoir le même niveau d’information sur ce projet d’envergure, mais aussi de comprendre ses enjeux et ses conséquences. Le public, nombreux, a ainsi pu écouter les multiples explications dispensées par le maire Arnaud Mathieu, la présidente de la Société d’équipement Villard/Corrençon (SEVLC) Marie-Sophie Obama, qui porte le projet d’UTNS, et d’un cabinet de géologie Géolite sur la gestion de l’eau.
« Dans la précipitation, des choses ont été projetées qui ne sont pas arrêtées »
En prévision des échanges tendus qu’il aurait pu y avoir sur ce sujet clivant, la réunion a commencé par plusieurs alertes de l’animateur Jérôme Lavaux. Ce dernier a demandé le respect de « la courtoisie » pour que « même les avis divergents puissent s’exprimer de manière sereine ». Finalement, tout s’est déroulé dans un calme qui a permis aux uns de questionner et aux autres de répondre. Si la discussion a été possible, c’est sûrement aussi grâce à la présence au micro de Marie-Sophie Obama, dont le silence avait été reproché lors des précédentes réunions sur le sujet organisées par la mairie.
Elle s’est donc longuement exprimée sur les détails du projet de la Côte 2000, « nécessaire pour accompagner la mutation de la station, préserver son attractivité et lui offrir de nouvelles perspectives ». La présidente a rappelé que « la SEVLC était propriétaire du terrain des Adrets [le précédent emplacement du projet, qui a été échangé avec le parking P1, désormais propriété de la SEVLC, NDLR] » et qu’à ce titre, elle « doit être le garant du projet qui va naître et sera constitué à l’issue de la procédure que nous vivons ». Une précision qui a, semble-t-il, retenu l’attention de l’assemblée. « Dans la précipitation, des choses ont été projetées qui ne sont pas arrêtées, a-t-elle regretté. Or, tout reste à construire en concertation et en négociation avec la collectivité. Notre réflexion évolue, on remercie d’ailleurs les interpellations et les contestations qui peuvent se lever car elles font aussi évoluer nos réflexions. » Marie-Sophie Obama a fait la promesse « de lits chauds sur quatre saisons, de clients sur 9 à 10 mois par an », tout en ouvrant grand la porte au dialogue. « Le temps de la concertation viendra où on aura l’occasion de confronter les idées et d’être le plus pertinent possible pour que ce projet fasse la fierté des Villardiens. »
Plus de concertations à venir
Ses mots ont été applaudis dans la salle. Pas par tous, bien sûr, mais dans l’assemblée, une main s’est levée pour saluer « les efforts qui ont été faits ce soir pour qu’on puisse comprendre les tenants et les aboutissants du projet ». Mais, car il y en a eu un, « c’est fait d’une manière assez descendante et j’espère qu’il sera possible à l’avenir de discuter de cela dans un débat démocratique plus ouvert. Votre volonté de concertation est-elle sincère ? » « La concertation viendra une fois l’arrêté UTNS délivré, quand on saura précisément ce qu’on peut faire, a-t-elle répondu. Cela fait partie des engagements que l’on a pris auprès de la collectivité et je pense que ça se fera sous la coordination des élus. » La concertation publique, qui a en effet commencé le 18 mai, prendra fin le 28 juin. L’État examinera ensuite le dossier et rendra son avis au plus tard le 28 août. La fin de l’été marquera-t-elle aussi le début de nouvelles discussions autour du projet de la Côte 2000 ? Seul l’avenir le dira.
(*) Le dossier complet de l’UTNS est disponible sur le site de la mairie de Villard-de-Lans. Pour s’exprimer et donner son avis via l’adresse mail : utns@villard-de-lans.fr
Plusieurs acteurs interviennent dans ce projet de la Côte 2000 baptisé Ananda Resort et souvent surnommé “Projet Parker”. Pour cause, en 2019, l’ex-gloire du basket Tony Parker a racheté les parts des frères Huillier, figures du plateau, pour acquérir la SEVLC qui exploite le domaine skiable relié de Villard-de-Lans et Corrençon-en-Vercors. En 2022, il avait présenté lui-même le bilan et les perspectives de la station, au siège de l’Asvel, le club de basket lyonnais qu’il préside. Depuis, il est absent des débats. C’est la présidente de la SEVLC depuis 2023, Marie-Sophie Obama, qui s’exprime sur ce projet.
Pourquoi ? Quelqu’un dans la salle a demandé avec insistance : « On parle d’un investissement de 90 millions d’euros pour le porteur de projet. Mais qui les investit ? » En sa qualité d’avocat, le maire Arnaud Mathieu a d’abord rétorqué : « Au-delà du secret des affaires, est-ce que le tour de table a l’obligation d’être bouclé maintenant ? Non. Est-ce que l’investisseur a l’obligation de vous répondre ? Non plus. C’est une réalité légale. »
« Ni Infinity Nine Mountain, ni Tony Parker »
« Qui investit, c’est la grande question, a repris Marie-Sophie Obama. Le tour de table n’est effectivement pas constitué. Tout l’enjeu qui est le nôtre à la SEVLC est de garder des investisseurs motivés et ce n’est pas évident car ils pourraient préférer se tourner vers des projets plus sécurisants, qui pourraient aller plus vite. Mais ce n’est ni la SEVLC, ni Infinity Nine Mountain, ni Tony Parker. L’investisseur, ce sera une foncière qui sera en charge d’aménager et sera en affaire avec un gestionnaire de tourisme qui paiera un loyer. Est-ce que ce gestionnaire de tourisme en deviendra le propriétaire ou pas, ça, on ne le sait pas. En tout cas il n’y aura pas de revente des appartements à la découpe. Tout ça restera un seul et même ensemble. »
Dans le détail, la SEVLC porte en effet ce projet en tant que propriétaire du terrain du parking P1. Mais elle le cédera ensuite à cette fameuse foncière qui réalisera derrière la promotion du projet : c’est-à-dire sa réalisation et sa construction. « Ce n’est pas la SEVLC, ni Infinity Nine Mountain qui portera la promotion en question. » Quant au futur gestionnaire des lieux, Marie-Sophie Obama a glissé que la société GH « était pressentie ».
Article issu du Dauphiné Libéré