« Clairement, ils s’ennuient l’hiver », en rigole Timothé Pellicier, cogérant de la bergerie de Bonvillard à Granier, sur la commune d’Aime-la-Plagne.
Nangan, Nashka, Pra-spa, Plan-pichu, Tiabort, Veraret, et Pralo, les patous aux noms d’alpage locaux se prélassent dans le foin au milieu des 120 brebis de l’élevage.
Ils sont le fruit d’un croisement entre la race des bergers des Abbruzzes (région italienne où la présence du loup est historique) et des Kangals (bergers d’Anatolie), aussi forts que des lions dixit un historien ottoman. Souvent considérés comme des têtes de Turc par certains, les patous n’en sont pas moins essentiels pour la survie du troupeau face au “grand méchant loup ”.
La garde dans les gènes
La place du chien de protection n’est pas aux pieds de leurs maîtres, mais dans la bergerie, tels des anges gardiens. La nuit, certains patous sont détachés de leur laisse, pour monter la garde. Par leur imposante présence et leur intimidant aboiement, ils dissuadent tout intrus de s’approcher de leurs tendres protégés.
« Les chiens ne vont pas empêcher toutes les attaques mais limiter la perte et le stress », explique le jeune Tarin. Les duels avec les loups peuvent parfois virer au drame. « L’idéal serait d’avoir autant de chiens que de loups, mais on ne sait pas combien rôdent dans les parages », ajoute Manon Calonne, éleveuse avec son mari.
Les colliers à pointes, redoutables armes de défense, peuvent s’accrocher sur les pantalons des maîtres. « La majorité du temps, ce sont des crèmes qui raffolent d’attention », plaide la gérante, caressant un de ses petits protégés. La vie paisible des gros molosses l’hiver peut parfois être perturbée par des loups à deux pattes (l’homme) ou leurs congénères.
Que font-ils l’hiver ?
« Ils hibernent comme des marmottes et font du gras », avoue, taquin, Timothé Pellicier. Tondues comme les brebis à l’automne, les petites boules de poils vivent en mode hiver. Les croquettes se raréfient, leur condition physique diminue, mais les batteries se rechargent.
« Quand on les ressort au printemps, ils sont en pleine forme et efficaces. » Contre le rhume, le fumier et la chaleur corporelle des brebis constituent leur meilleur remède.
« Ils ont plus froid en alpage l’été à 2 000 mètres d’altitude et se mettent sous les moutons », ajoute le trentenaire. La période est particulièrement propice pour les nouveau-nés, qui seront d’aplomb quelques mois plus tard pour accompagner le troupeau dans la montagne. « Les mini-bouilles se couchent sur les brebis, c’est l’instant mignon », sourit Manon Calonne.
Une bête très lunatique
Toutefois, cette routine peut être perturbée par le déplacement chez le vétérinaire pour un rappel de vaccin ou bien le comportement inadapté à l’extérieur de la bergerie. En un quart de tour, le patou peut passer des câlins, à son esprit canin de défense.
Les chiens de compagnie, les vélos et les randonneurs dérèglent parfois leur comportement à l’extrême. « Menacé par un randonneur, un chien peut devenir agressif au simple cliquetis des bâtons au loin », prévient l’éleveur.
Le site “ Map Patou” recense les élevages, afin d’éviter de tomber nez à nez avec un gros toutou. « Si les gens ne veulent plus de chiens de protection, alors on fera de l’élevage hors-sol, et on vendra de la daube, comme au supermarché. »
Article issu du Dauphiné Libéré