Un siècle plus tôt, la clientèle aisée des palaces chamoniards embarquait à bord du « premier funiculaire aérien de France » en direction de la gare de la Para. Aujourd’hui, le large bâtiment en pierre construit dans la forêt à 1 690 m d’altitude fait le bonheur des fans d’urbex. Il faut dire que visiter cette gare, c’est voyager dans le temps.
La station de la Para est très bien conservée
À l’intérieur, le visiteur n’a aucun mal à se projeter 100 ans en arrière, lorsque ce téléphérique pionnier vivait sa première année d’exploitation. Très bien conservée, la station de la Para étonne toujours par sa taille et ses airs de château fort. Les panneaux explicatifs permettent au randonneur d’en apprendre un peu plus sur l’histoire de cette ligne unique baptisée en cours de route « téléphérique des Glaciers ».
Les intrigués par ce patrimoine montagnard rare devront toutefois être un peu sportifs, s’ils veulent suivre l’intégralité de son tracé. Il leur faudra en effet s’élancer de la gare des Pèlerins, qui bien que réhabilitée en 2000, conserve bien son aspect proche d’un chalet tyrolien. L’ascension qui suit est certes moins sauvage, qu’à l’époque mais n’est pas dénuée d’intérêt. Le randonneur peut en profiter pour découvrir les vestiges de l’ancienne piste de bobsleigh ayant servi pour les Jeux Olympiques 1924. L’avancée des travaux de la remontée permit d’ailleurs de transporter quelques officiels de ces premiers jeux hivernaux de l’histoire jusqu’à un pylône intermédiaire.
Premier téléphérique de France, le téléphérique des Glaciers a ouvert la voie au transport de voyageur par câble en montagne. Ses balbutiements et imperfections ont considérablement fait avancer les téléphériques des cimes. D’audacieuses remontées pour voyageurs caractérisées par des lignes aériennes sans pylônes ont ensuite pu voir le jour, notamment sous la houlette de l’ingénieur André Rebuffel.
Après le téléphérique du Brévent en 1930, une série de grands appareils de belvédère ont vu le jour en France. Au Salève en 1932, à Veyrier-du-Lac près d’Annecy en 1934, mais aussi au Revard, au-dessus d’Aix-les-Bains en 1935, puis à Bellevue aux Houches en 1936.
En parallèle, le téléphérique se développe aussi en ville dans les années 30. Celui de la Bastille à Grenoble est inauguré le 29 septembre 1934. Le téléphérique sert ensuite beaucoup le développement du ski alpin et devient avant tout un moyen de transport vers de nouvelles pistes, plutôt qu’un moyen d’accéder à des lieux de contemplation.
25 années d’exploitation, mais une aventure industrielle de 50 ans
La suite du sentier longe la rampe d’accès au tunnel du Mont-Blanc. De quoi donner envie de prendre de la hauteur, pour quitter les voitures et camions qui s’apprêtent à s’engouffrer dans les entrailles du massif du toit des Alpes, mais qui n’auront pas la chance de plonger dans le passionnant passé de cette ligne. Arrivé à la gare de la Para, le randonneur apprend que si son exploitation n’a véritablement duré que 25 ans, l’aventure de ce téléphérique dure un demi-siècle. Sa construction fut le résultat d’investisseurs désireux d’équiper la très haute altitude. La technique du téléphérique est alors balbutiante et nécessite la pose de très nombreux pylônes. Ces derniers jalonnent encore l’itinéraire et chacun d’eux donne un prétexte aux moins entraînés pour faire une pause.
À la gare fantôme de la Para, la photo à côté de la cabine taguée, encore accrochée aux câbles, est inévitable. Cette benne n’est toutefois pas celle d’origine puisqu’elle provient de l’ancien téléphérique de Rochebrune et fut seulement utilisée dans les dernières années de la ligne. En continuant sa route, au-dessus de la gare de la Para, le randonneur quitte l’année 1924 pour démarrer un autre voyage, celui du second tronçon inauguré le 17 août 1927. Sans forcément le savoir, se trouve, sous ses chaussures, une ancienne piste de ski. Une succession de ruptures de pentes en versant nord à l’enneigement exceptionnel qui permit au téléphérique pionnier de connaître un second souffle. La piste fut même le théâtre d’un Kandahar, une épreuve qui tenait alors lieu de coupe du monde.
La gare des Glaciers à 2414 mètres d’altitude
Après 1 400 mètres de dénivelé, (moins si on s’élance du tunnel du Mont-Blanc), la gare des Glaciers (2414 m) surgit enfin. Pensée comme un terminus, elle accueillait les touristes avec une buvette et une table d’orientation. De vieilles publicités ornent toujours les murs intérieurs, au niveau des quais d’arrivée. « Panorama offert par les créateurs de la montre étanche et automatique Rolex », peuvent ainsi lire les plus attentifs.
73 ans après l’arrêt de la ligne, la vue vaut d’ailleurs toujours le détour. Entouré par le glacier des Bossons et l’imposante face nord de l’aiguille du Midi , le Marty McFly, parti tisser les fils de cette épopée touristique novatrice, redescend avec de sublimes images en tête et le témoignage d’une époque où l’on rêvait d’atteindre des cimes jusqu’alors réservées aux alpinistes.
Article issu du Dauphiné Libéré