Quand les enneigeurs servent de chauffage ou produisent de l’électricité…

Loin d’utilisations anecdotiques (purificateurs d’air pendant la pandémie, reconversion en système d’arrosage), les enneigeurs s’offrent de nouvelles utilisations en marge de la production de neige de culture.

Une innovation à la fois économique et écologique

Le constructeur savoyard MND snow a initié une innovation à La Thuile (Italie), depuis cinq ans, avec la société Funivie Piccolo San Bernardo au travers d’un programme hydroélectrique qui utilise le réseau de neige de culture pour produire une énergie propre et renouvelable, vendue au réseau électrique italien. « Le site présente de bonnes conditions : des ressources en eau abondantes, de l’altitude et un fort dénivelé entre le haut et le bas de la station… idéal pour ce système de production hydroélectrique (la puissance dépend du dénivelé et du débit d’eau). La production hydroélectrique génère 20 % d’énergie de plus de ce que ne consomme le système d’enneigement », souligne-t-on chez MND. Le réseau d’enneigement, via ses canalisations, est utilisé pour acheminer l’eau entre la source en altitude, et les turbines qui produisent l’électricité en eau. Le réseau d’enneigement est utilisé l’hiver pour la neige et le reste de l’année pour l’électricité.

>>> A Valmorel, la chaleur produite par les remontées mécaniques sert à chauffer les bâtiments

L’innovation a inspiré d’autres opérateurs pour pérenniser infrastructures et investissements hors saison hivernale, avant même l’augmentation des tarifs de l’électricité. Reste à contourner les obstacles administratifs liés aux autorisations d’usage de l’eau. La Compagnie des Alpes s’est penchée sur ces énergies nouvelles renouvelables, désormais à l’échelle du groupe (la facture d’électricité est passée de 12 à 55 M€). Dans son laboratoire ski, à Serre Chevalier, une première turbine, puis une deuxième, deux fois et demi plus puissante, à l’automne dernier, ont été installées. Les canalisations sont utilisées comme colonne d’eau, pour faire tourner une roue Pelton dans l’usine à neige. « On fabrique de l’énergie électrique en fin de production neige, dès les premiers ruissellements de la fonte et avec les précipitations, de début mars au mois de juillet », résume David Ponson, directeur des opérations domaines skiables. Si l’essentiel est reversé sur le réseau, à terme l’objectif est d’atteindre plus de 20 % en autoproduction de la quantité totale d’énergie consommée pour le domaine skiable.

Une initiative qui prend de l’ampleur

L’initiative va être dupliquée dans les stations du groupe : aux Arcs, à Tignes ou aux Menuires (pour une production d’un GWh sur une consommation totale de 12 GWh). « Nous avons des projets vertueux sur des usages industriels de nos infrastructures. Ce sont des choses nouvelles qu’on découvre, et qui nécessitent des études pointues sur la ressource en eau qu’on n’a pas forcément », reconnaît David Ponson.

De son côté, la PME savoyarde WeSnow a équipé Super Besse avec des enneigeurs qui fonctionnent sur le principe des pompes à chaleurs. « Pour faire une neige très sèche, très froide, on confisque les calories de l’eau. On les restitue, via un échangeur, dans une boucle d’eau chaude à 36 °C qui peut être utilisée pour le chauffage de bâtiments par exemple, ou à 50 °C pour le réseau d’eau sanitaire », explique son directeur, Bertrand Lambla. La station utilise cette source pour chauffer des bureaux, un hall ludo-sportif, une gare de télécabine, les hangars à dameuses… « À chaque kWh consommé par la production de neige, l’enneigeur restitue 2 kWh d’énergie ». De quoi diviser par deux, au moins, la facture énergétique par rapport aux chauffages électriques.

En Autriche la station du glacier de Pitztal produit 30% de son alimentation électrique grâce à des panneaux solaires qui permettent la production de neige de culture. Mais suscite le débat avec ses projets d'extensions en zones glaciaires.Photo Le DL/A. CH
En Autriche la station du glacier de Pitztal produit 30% de son alimentation électrique grâce à des panneaux solaires qui permettent la production de neige de culture. Mais suscite le débat avec ses projets d'extensions en zones glaciaires.Photo Le DL/A. CH
Le ski stop ou en encore ?

La science permet aujourd’hui aux stations et collectivités de juger de l’intérêt d’un projet (remontée mécanique, travaux de pistes ou retenue d’eau). Le plus connu s’appelle CLIMSNOW, avec déjà plus de 110 diagnostics. À tel point que le préfet de Haute-Savoie envisage de conditionner tout nouvel équipement à la réalisation d’une étude CLIMSNOW. La Compagnie des Alpes a son propre modèle, Impact. Selon ses dirigeants, ses dix domaines les plus hauts des Alpes devraient conserver leur skiabilité grâce à la neige de culture jusqu’en 2060. Sans doute moins pour le Grand Massif (Haute-Savoie) son site le plus vulnérable.

CLIMSNOW est un modèle de projection, conçu par des experts du climat et de l’aménagement du territoire, pour évaluer à l’échelle d’une vallée la fiabilité de l’enneigement, selon les scénarios climatiques. Il aide les stations à tracer leur avenir et adapter leurs investissements, entre ski et diversification. Bref, à juger de la pertinence des projets en fonction des perspectives de températures en 2035 ou 2050. L’outil a été développé par un consortium public-privé : Météo France avec le cabinet Dianeige, spécialisé dans l’ingénierie touristique, et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). C’est sur cette base rationnelle que Métabief (Jura) a jugé hasardeux de mettre 15 millions dans le renouvellement de ses télésièges, sachant qu’à partir de 2035 la skiabilité y sera très aléatoire. Et la Drôme de ne plus mettre 1€ dans la neige de culture de ses sites. Ingénieur Météo France et référent CLIMSNOW, Carlo Carmagnola précise : « Chaque massif est différent, les altitudes, l’exposition, le vent, les pentes varient. Il faut tenir compte de l’équipement en neige de culture, plus ou moins performant, et des techniques de damage. Tout cela consolide, ou pas, le modèle ». Deux stations voisines peuvent connaître des variabilités en termes de probabilité de retour d’hiver sec, d’occurrence de fenêtres de froid propices à la fabrication de neige, de besoins en eau.

Ce simulateur de projet jauge la pertinence économique et écologique d’équipements lourds, à 30 ans, durée d’amortissement. « L’enneigement, même en forte baisse, ne disparaît pas du jour au lendemain » indique Samuel Morin, directeur du centre national de recherches météorologiques (Météo France/CNRS), co-concepteur de CLIMSNOW. On peut qualifier la fréquence à laquelle on s’attend à des années difficiles, en tenant compte de la production de neige et en calculant son impact environnemental en termes de besoins en eau et en énergie. »

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