Refuge Robert Blanc : comment a-t-il été rénové en seulement quatre jours ?

« Le refuge, sombre, est devenu clair en une journée », souffle Orianne Fertin, la gardienne du refuge Robert Blanc , admirative des compétences des neuf cordistes de la société Haute Voltige, qui ont donné une seconde jeunesse à l’emblématique bâtiment, construit en 1981, sous l’aiguille des Glaciers.

« Le rénover, faire du bon boulot, c’est aussi honorer ceux qui l’ont imaginé »

Enfant de Haute Tarentaise, Jacky Arpin, patron de Haute Voltige, tenait à décrocher ce chantier, à la fois complexe et original à 2 750 m d’altitude. Pas seulement pour la soif de challenge. « Gamin, je grimpais ici avec le curé Jacques Plassiard, mais on n’y a jamais couché. On dormait sous la voiture », raconte-t-il, fier et honoré d’avoir été retenu par la commune de Bourg-Saint-Maurice pour une rénovation extérieure en un temps record. « Je connais l’histoire de cette montagne, de ce lieu emblématique. Le rénover, faire du bon boulot, c’est aussi honorer ceux qui l’ont imaginé et puis construit ».

Les premiers contacts avec la commune boraine pour refaire les boiseries sur plus de 350 m² de surface, remontent à deux ans. Haute Voltige a vu sa proposition retenue l’hiver dernier. « On est remonté début août, pour des tests de ponçage et de teinte, et évaluer le matériel nécessaire ». Avec une contrainte supplémentaire, et de taille, tout rénover en moins de cinq jours, le refuge étant complet ce week-end.

La première saison des gardiens Orianne et Antonin

Le 15 septembre, Orianne Fertin et Antonin Gallet, les gardiens du refuge boucleront leur première saison, commencée mi-mai, à 2 750 m. Anciens salariés dans divers refuges, la Haut-Savoyarde (La Roche-sur-Foron) et le Savoyard (Challes-les-Eaux) avaient ce projet depuis longtemps, quand ils ont postulé à l’appel d’offres de la commune. « Ce refuge nous correspond, avec de l’alpinisme et de la randonnée, il mêle haute montagne et découverte de la montagne (on a aussi des familles) », sourit Antonin. « C’est le projet idéal, à taille humaine (40 couchages) », ajoute Orianne.

Les premiers retours de leurs hôtes sont très positifs. « Surtout venant de ceux qui font le tour du Mont-Blanc. Il y a beaucoup moins de monde ». Le jeune couple, montagnards avertis et passionnés, est fidèle à sa philosophie exposée dans son dossier de candidature auprès de la mairie. « Cela nous a peut-être aussi aidés à avoir le contrat de quatre ans. Quand on voit le nombre de personnes qui veulent faire ce métier », avance Antonin. « On veut un refuge ouvert. Ce lieu, emblématique, est à tout le monde. Nous sommes juste là pour s’en occuper ».

Leur sensibilité, ils l’expriment tous les soirs lors de leur petit speech, en même temps que les conseils pour les courses, les conditions météo, l’évolution du glacier… « Ça fait partie de notre travail ». Comme ils le font aussi sur le site internet. « On est isolés, mais connectés », résume le gardien, boulanger de formation, et qui fait son pain bio au levain tous les matins.

« Nous sommes en cohérence avec les valeurs que nous défendons », poursuit Orianne. Cela transparaît autour de l’approvisionnement en bio et local. Les fromages viennent des exploitations de la ville des Glaciers, la viande de Beaufort, les légumes de Bourg-Saint-Maurice et Albertville…

« Le territoire fait vivre le refuge, il faut faire vivre aussi le territoire et faire connaître les producteurs. On a la chance d’avoir une grande cave qui garde au frais et au noir ». De quoi mener une réflexion pour faire moins que les deux héliportages qui ont assuré la saison.

« On a pris la pension complète avec option goûter et bière du soir »

De lundi à vendredi, la capacité a été réduite de 40 à 25 couchages (dont les neuf cordistes, qui assuraient de longues journées) par les gardiens, Orianne et Antonin. « On ne peut pas se permettre de travailler à près de 3 000 mètres d’altitude en septembre. On a pris la pension complète avec option goûter et bière du soir », rigole Jacky Arpin, conscient des journées à rallonge de ses gars.

Dans cet univers minéral, proche des glaciers, la montagne est belle, mais aussi rude. Il a fallu composer avec le vent, le soleil, les orages… et les questions des randonneurs, sur le sentier Thomas Roques, variante du tour du Mont-Blanc. « Les gens s’intéressent, et tout le monde a oublié les désagréments (bruit, poussière) », salue Antonin Gallet. Même ses poules n’ont pas été perturbées.

Lundi, la préparation, l’inventaire et le pesage du matériel (1,5 tonne) se sont faits à l’entreprise, à Séez. « On mobilise des moyens et une stratégie. Là-haut, t’es loin, il faut penser à tout. L’hélicoptère ne peut pas monter plus de 700 kg », insiste Jacky Arpin.

Mardi matin à 7 h 30, depuis le parking des Lanchettes au bout de la vallée des Glaciers (1 940 m d’altitude), Blugeon hélicoptère a fait les rotations de personnel et de matériel. En l’espace d’une journée, le mélèze était décapé et poncé, les pièces endommagées répertoriées, mesurées et commandées, un auvent démonté.

Mercredi, grâce à la dextérité des pilotes de Blugeon qui posent au mètre près sur la DZ ou à proximité immédiate du refuge, il a fallu remonter 700 kg de bois préparés à la menuiserie et du matériel. Et une soixantaine de petites planches, oubliées, à dos d’hommes ! « Il faut rajouter du bois, consolider les volets et les jambages, comme si c’était pour nous. On a de la chance avec la température, le bois est très sec ».

Photo Nicolas Trin
Photo Nicolas Trin
Refuge, chalet, tour… tout est dans leurs cordes

La tour d’une copropriété, une gare de remontées mécaniques, un palace de Courchevel ou un chalet de luxe… les cordistes de Haute Voltige interviennent avec la même minutie. « La rénovation des tremplins de saut du Praz, c’était encore plus dans nos cordes », sourit le patron, Jacky Arpin, champion de France de saut à ski en 1991.

En août 1992, il a lancé son entreprise de travaux sur corde, intervenant dans tous les domaines sauf le TP : entretien des bâtiments, lasure, zinguerie, boiserie, isolation, toiture, étanchéité… Depuis une quinzaine d’années, Haute Voltige s’est spécialisée dans le relookage des gares de remontées mécaniques.

« J’ai commencé comme contrôleur de travaux chez Bouygues. Travailler avec Francis Bouygues m’a donné des ailes », avoue l’ancien sauteur, toujours attiré par les travaux acrobatiques.

Son entreprise familiale (avec sa femme Sandra, son fils Florent, les cousins de Florent) comptait six personnes à l’origine. Là, ils sont une quarantaine (dont une secrétaire pour l’administratif depuis un an), pour une longue saison débutée le 22 avril avec le démontage des gares de la télécabine du Vallon à Val d’Isère par -17°, et qui prendra fin mi-décembre.

Ce qui permet de laisser 9 employés au refuge Robert Blanc, d’en avoir en même temps une dizaine sur une remontée aux Menuires et d’autres sur une tour à Val d’Isère. « On se doit d’être réactif. Les chantiers sont diversifiés et ne traînent pas. S’il faut mettre 30 personnes, un immeuble de 3 000 m² est peint dans la journée. Mais l’hiver, nous ne sommes plus que 4 ou 5 ».

Ses chefs d’équipe sont de la région, ses jeunes employés viennent de toute la France. Et reviennent chaque été. « On n’a pas trop de turn-over. Ces jeunes, multi-actifs, il faut mettre en avant leurs compétences (maçon, menuisier, peintre, sableur). Travailler doit être un plaisir d’abord, et qu’ils gagnent correctement leur vie ». C’est la culture de l’entreprise séeraine, à l’image de son patron, compétiteur dans l’âme et boulimique de travail.

« Jacky, c’est toujours plus. J’espère qu’on a atteint le rythme de croisière », tempère Sandra. « On commence à être stable… pour grossir comme il faut », rigole Jacky.

« La différence de température entre l’hiver et l’été est de près de 60°C »

Une fois les essais de teinte concluants (pour faire le lien avec quelques pièces de vieux bois laissées en place), le refuge a été peint au pinceau et à la machine. « Cette machine qui projette de la peinture, c’est différent de la lasure. Elle permet de saturer, de fermer les pores du bois, tout en le laissant respirer. Ce qui demandera moins d’entretien. À cette altitude, la différence de température entre l’hiver et l’été est de près de 60°C, et le bois travaille, vit. On garde l’esprit du bâtiment, en revenant à un bois à l’aspect plus naturel », conclut Jacky.

À l’intérieur, dans la salle à manger, le portrait de Robert Blanc peut afficher son beau sourire : son refuge s’offre une seconde jeunesse pour les 8 à 10 ans à venir…

Article issu du Dauphiné Libéré

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