Un chantier colossal : « Les Grands Montets, c’est un peu Notre-Dame de Chamonix »

Dans leur cabine en verre, les grutiers ont toujours la plus belle vue d’un chantier. Mais ce coup-ci, le spectacle est unique. « Je n’aurais jamais un panorama comme celui-là dans ma carrière », savoure Alain Robejean, d’ordinaire plus habitué à dominer les villes qu’une partie du massif du Mont-Blanc.

Depuis quelques jours, il a le privilège de conduire la grue solidement ancrée dans l’aiguille des Grands Montets. Un outil essentiel à l’édification de la gare cubique, pièce maîtresse de la refonte globale de ce domaine skiable portée par la commune de Chamonix et la Compagnie du Mont-Blanc.

Six ans après l’incendie

Un peu moins de six ans après l’incendie ayant ravagé la remontée phare des Grands Montets, sa résurrection est plus que jamais en marche. Fini la bataille assurantielle. Fini les longues procédures administratives liées au réaménagement de ce site classé. Depuis déjà plus d’un an, cette renaissance à 150 millions d’euros est entrée dans sa phase opérationnelle.

Mais si 2023 avait vu la démolition des éléments obsolètes, la construction du projet imaginé par le cabinet de l’architecte italien Renzo Piano n’a véritablement commencé qu’au printemps dernier, lorsque les pelleteuses laissées dans la glace à 3 230 mètres d’altitude purent sortir de leur hibernation.

Depuis, sous l’ancienne “terrasse à Karim”, 20 000 m³ de cailloux ont été décaissés grâce à ces machines. Un terrassement presque terminé. Dans le même temps, les équipes de Doppelmayr tirent peu à peu les câbles des trois remontées mécaniques provisoires qui serviront à construire les deux nouvelles remontées du site : une nouvelle télécabine entre Argentière et Lognan et un téléphérique 3S avec de spacieuses cabines pouvant accueillir 32 personnes dont 24 assises.

« Plein de petits chantiers dans le grand chantier »

« En réalité, il y a plein de petits chantiers dans le grand chantier puisqu’on construit trois nouvelles gares à trois altitudes différentes. Il y a donc trois zones principales de travaux, mais chaque pylône des remontées provisoires est lui-même un chantier en soi et c’est sans compter sur le chantier peut-être le plus important à l’heure actuelle, celui de la logistique », explique Benoit Borrel, chef de projets techniques à la Compagnie du Mont-Blanc.

Chaque semaine, ce dernier rend visite à la centaine d’ouvriers mobilisés pour cette reconstruction chère aux Chamoniards et à tous les amoureux du secteur. « Au plus fort du chantier, ils seront même 150 », prévient ce coordinateur mobilisé sur ce renouveau des Grands Montets depuis le sinistre.

Objectif décembre 2026
  • Malgré la mauvaise météo de ce printemps et ce début d’été, l’objectif calendaire reste le même. Les deux nouvelles remontées mécaniques doivent entrer en service en décembre 2026 mais les derniers travaux de finition se termineront en 2027. « Nous n’avons vraiment pas eu de chance avec les intempéries depuis ce printemps. On a déjà presque grillé la marge d’un mois que nous avions pour 2024, mais ce genre de chantier c’est un marathon, il ne faut pas paniquer dès le premier contretemps », assure Benoit Borrel.
  • Déjà un des blondins est opérationnel. Le second, qui permettra d’acheminer les matériaux jusqu’à la gare sommitale, devrait l’être courant août, comme la télécabine de service. « À partir de là, nous serons bien moins dépendants de la météo et tout devrait s’accélérer. »
  • Les remontées, pensées comme une offre touristique quatre saisons, seront ensuite ouvertes pratiquement toute l’année. Ce qui était demandé par les socioprofessionnels que sont les guides de haute montagne ou les moniteurs de ski.

Prendre en compte les conséquences du changement climatique

Comme lui, plusieurs personnes sont embarquées depuis près de six ans dans ce qu’ils présentent aussi comme une formidable aventure humaine. Et c’est avec émotion qu’ils la voient avancer un peu plus chaque jour. Le géologue de Sage Ingénierie, Alexandre Mathy, est l’un d’eux. « Nos études ont permis d’identifier du rocher sain qui n’est pas menacé par la fonte du pergélisol, garantissant au projet sa viabilité pour au moins 50 ans. Mais nous n’avions pas de certitudes avant de pouvoir mener des campagnes de sondage », raconte le spécialiste pour qui la science et la raison peuvent permettre un aménagement responsable prenant en compte les conséquences du changement climatique en montagne.

Les défis à relever restent néanmoins nombreux sur ce chantier parmi les plus hauts d’Europe, à l’image de cette grue à flèche relevable, visible depuis le centre-ville de Chamonix. Un engin assemblé de petits modules conçus spécifiquement pour résister aux tempêtes d’altitude. « Les Grands Montets, c’est un peu Notre-Dame de Chamonix. Son incendie a été un traumatisme pour plein de gens qui ont tout de suite voulu sa reconstruction », estime le PDG de la Compagnie du Mont-Blanc Mathieu Dechavanne. Ses bâtisseurs ont en tout cas foi dans ce projet qu’ils veulent à la hauteur des cimes qui le dominent.

Article issu du Dauphiné Libéré

Découvrez nos lectures liées
Restez informé, suivez le meilleur de la montagne sur vos réseaux sociaux
Réserver vos séjours :
hébergements, cours de ski, forfaits, matériel...

Dernières actus