Que vous ayez déjà grimpé ou non, vous êtes sans doute déjà passé devant certaines de ces falaises. Parfois, vous avez même aperçu d’étranges silhouettes aux prises avec ces océans de rocaille. Mais peut-être ne savez-vous pas à quel point les Alpes pullulent de sites d’escalade. On en recense plusieurs milliers ! Et certains sortent carrément du lot, que ce soit par leur ampleur, l’esthétique de leurs courbes ou la place qu’ils ont occupée dans le passé ou le présent de l’activité. Le nombre de falaises digne d’intérêt étant exponentiel, tour d’horizon des sites les plus emblématiques.
Céüse, dans les Hautes-Alpes : le plus élégant
Une barre rocheuse parfaite perchée au sommet d’une montagne, à 2 000 mètres d’altitude. Voilà comment on pourrait désigner celle qui fait partie des falaises les plus célèbres au monde. Visible depuis le centre-ville de Gap, elle voit chaque année défiler des milliers de grimpeurs venus du monde entier pour goûter à son calcaire. Jardin de Patrick Edlinger dans les années 80, Céüse avait même poussé « Le Blond » à annuler un voyage de trois mois aux États-Unis pour explorer le potentiel de la falaise.
Déjà mythique dans les années 80, le site est toujours aussi populaire et a vu s’écrire plusieurs pages de l’histoire du haut niveau. « Biographie », le premier 9a+ du monde réalisé par l’Américain Chris Sharma, a été réussi à Céüse, et fait encore partie des références pour le niveau. Plus récemment, deux nouvelles voies estimées à 9b et 9b+ ont encore renforcé la réputation du site haut-alpin, où se côtoient les meilleurs grimpeurs professionnels de la planète et les amateurs aguerris curieux de se frotter au mythe.
Ailefroide, dans les Hautes-Alpes : le plus varié
Un petit écrin de paradis. Le jeu de mot est médiocre, le terrain ne l’est lui assurément pas. Quand on parle d’Ailefroide, on n’évoque pas un site en particulier : plutôt un fond de vallée, celle de la Vallouise, remplie de barres rocheuses plus qu’imposantes et de petits blocs de quelques mètres seulement. C’est peut-être cela, la spécificité d’Ailefroide : on peut y pratiquer toutes les disciplines liées à l’escalade.
Des voies d’une longueur ou de plusieurs, c’est selon, du bloc, cette pratique qui ne nécessite pas de corde mais de simples tapis… Et encore, pour les amateurs de haute altitude, cette vallée n’est qu’un point de départ vers les glaciers emblématiques des Écrins. Ailefroide, c’est aussi une petite histoire illustrée de l’escalade. Elle commence par l’attrait des sommets et se répand dans la vallée, d’abord timidement, puis bien plus largement. Pour le simple plaisir du geste, parfois à quelques mètres du parking. Mais toujours au cœur des montagnes.
Le Verdon, dans les Alpes-de-Haute-Provence : le plus vertigineux
Il n’y a pas que la grimpe dans les gorges du Verdon. Avec plus de 700 000 visiteurs par an, l’endroit fait partie des espaces naturels les plus prisés par les touristes. Logique : avec ses eaux turquoise nichées sous des falaises de plusieurs centaines de mètres, l’endroit est impressionnant. Pour l’escalade, c’est la même chose, avec un détail en plus. Car l’endroit joue un rôle à part dans le développement de la pratique. À vrai dire, il en est un peu à la base.
À la fin des années 60, quand les alpinistes marseillais et niçois investissent les gorges, l’escalade n’a pas encore gagné ses lettres de noblesse. Elle reste accolée à l’alpinisme, à l’idée de conquête du sommet. Les voies ouvertes dans les parois du Verdon ont contribué à faire évoluer cette conception. Et à écrire l’histoire de l’escalade du haut niveau jusqu’à aujourd’hui, comme le prouve l’ascension de la seconde voie évaluée à 9c au monde, DNA, libérée par le Français Seb Bouin en 2022. Et de l’escalade plaisir. Car c’est aussi l’un des plaisirs de cette activité : les itinéraires les plus emblématiques, les historiques, ne sont pas faits pour être relégués dans un musée, mais pour être parcourus. Avec des centaines de mètres de vide sous les pieds.
Presles, en Isère : le plus présent dans l’actualité récente
Presles a fait les gros titres de la presse nationale en 2023, ce qui est suffisamment rare en escalade pour être souligné. Comment ? À cause d’un accident ? Non, tout simplement parce que le site a été symbolique des interdictions d’accès aux falaises qui ont agité les années 2022 et 2023. La faute à une évolution législative, conjuguée à celle du modèle de gestion des risques sur les sites d’escalade, qui risquait de rendre hypothétiquement le propriétaire responsable en cas d’accident. Des nombreuses interdictions, celle de Presles est celle qui a fait de loin le plus de bruit.
Car cette falaise tient une place à part dans le paysage de l’escalade, et fut importante dans sa construction. À la limite entre le Vercors et le Royans, sa facilité d’accès pour les habitants de Lyon et Grenoble a pesé dans son développement. Ses parois sont explorées dès 1953, mais restent relativement confidentielles jusqu’au milieu des années 70. À partir de là, de nombreux itinéraires encore classiques aujourd’hui sont révélés. Aujourd’hui, Presles regroupe plus de 300 itinéraires de plusieurs longueurs et de nombreux secteurs d’une seule longueur. La majorité de la falaise est de nouveau autorisée, et les quelques endroits toujours interdits font l’objet de discussions.
Buoux, dans le Vaucluse : les formes les plus improbables
Comment décrire Buoux ? Un vallon sauvage du Luberon et des parois raides à l’arrondi esthétique. Ce sont aussi des prises qui nichées dans le rocher, de petits trous qui mordent la peau et ne laissent souvent passer qu’un ou deux doigts. Aujourd’hui encore, le site est relativement fréquenté. Mais rien de comparable avec les années 80, où des centaines de tentes étaient entassées au pied. La falaise a connu une certaine notoriété grâce au film La vie au bout des doigts, de Jean-Paul Janssen, mettant en scène Patrick Edlinger sans dispositif de sécurité.
Pourtant, ce serait réducteur de limiter son histoire à cela. Car dans cette falaise vauclusienne, les grimpeurs ont repoussé les limites de la difficulté en leur temps. Premier 8a de l’Hexagone en 1983, premier 8b deux ans plus tard, premier 8c français avec Azincourt – une prise de l’Anglais Ben Moon en 1989. Aujourd’hui encore, un projet mythique, Le Bombé Bleu, est essayé par certains des meilleurs performeurs français, sans succès pour le moment.
Article issu du Dauphiné Libéré