Près de 1 700 mètres de dénivelé positif, à vélo puis à ski. C’est le défi givré que se sont donné 18 Haut-Alpins le samedi 1er mars. Givré, principalement au vu de la température sur le petit parking du Pont Neuf à Saint-Sauveur à 8 heures. « Le fond de l’air est frais », frissonne Agnès Andueza. Cette membre de la commission environnement du comité départemental de la fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM) est à l’origine du rassemblement. Le principe est simple, à partir du point de rendez-vous, les participants rejoignent à vélo La Chalp, à Crévoux. De là, ils chaussent les peaux de phoque et grimpent jusqu’au pic de la Ratelle.
« La montagne plus lentement, sans la consommer »
Agnès Andueza, membre aussi de l’association Mountain Wilderness, s’est inspirée d’une activité organisée par l’antenne grenobloise de cette dernière. « Il s’agit d’envisager la montagne plus lentement, sans la consommer. »
Avec une employée et le président du comité départemental de la fédération, elle a organisé cette sortie qui vise autant à passer un bon moment qu’à sensibiliser. « Quand je fais du skating à Ceillac, ça sent le pot d’échappement. C’est horrible, dans les stations ça pue ! » Cette habitante de Baratier, juste à côté de Saint-Sauveur, reconnaît tout de même que l’activité du jour peut revêtir « un aspect un peu élitiste. »
Car si sur le parking, une dizaine de personnes arrivent à vélo, déjà équipées de pied en cap, les autres garent leur voiture avant d’en sortir leur bicyclette. « C’est tout le paradoxe de cette sortie, souffle Guillaume Ponchon, président du comité départemental de la FFCAM. On souhaite, sans vouloir dire de gros mots, la “décarbonation du sport”. » Le manque de transports en commun qui rendrait possible ce genre de journée sans utilisation d’un véhicule privé est pointé du doigt. « On est à la croisée des chemins, souligne le président, tout n’est pas encore connecté. »
Un départ à trois heures du matin à la frontale
Pas étonnant donc, de croiser parmi les cyclistes Jérémy Magnier, venu à vélo de Gap et membre de l’association Mobil’idées qui œuvre pour le développement des mobilités douces. « Je suis venu au vélo-ski car je trouve un peu embêtant de prendre sa caisse tous les matins et après se plaindre qu’il n’y a plus de neige. » Ce qui lui permet de s’accrocher à cette pratique exigeante en temps et en énergie ? « C’est ce que je ressens, le plaisir incroyable d’arriver en haut de la montagne sans utiliser la voiture. » Le départ à trois heures du matin, à la frontale, participe à cette sensation de fierté.
Mais tout le monde n’est pas aussi à l’aise. Dans le peloton, qui s’élance avec un peu de retard vers 9 heures, certains découvrent la pratique, comme Romain. « J’avais beaucoup entendu parler de cette autre approche du ski de rando. J’essaie de ne jamais prendre la bagnole tout seul pour le ski, mais j’avais aussi du mal à me lancer sur le vélo en solo. Là, c’est une initiative sympa en groupe, qui m’a permis de sauter le pas. » Un sentiment partagé par une bonne moitié des participants, qui ne se serait pas lancée en solitaire.
« On n’est pas encore capable de se débarrasser de la voiture »
« Ah pour boire une pinte à moins de dix euros à Gap, il n’y a pas 36 solutions, c’est sûr ! » La vitesse mesurée du peloton permet de discuter malgré la pente. Et si un néo-Gapençais en profite pour trouver un nouveau point de chute pour ses soirées, le sujet des mobilités douces revient souvent. « Pour le travail, je monte d’Embrun à Réallon à vélo électrique, livre Lucille. Mais on n’est pas encore capable de se débarrasser de la voiture. » Elle et son compagnon envisagent en revanche de se procurer une sorte de vélo-cargo électrique et protégé des intempéries, pour laisser leur voiture.
Après quelques pauses, le groupe atteint Crévoux, où Elsa Loury, employée de la FFCAM, attend avec un ravitaillement. « Tout le monde s’est attendu, et est arrivé quasiment en même temps, c’est top ! » Une ascension au pic de la Ratelle et une descente sur « une neige assez médiocre comme depuis le début de la saison » plus tard, les 20 participants remontent en selle. Et si l’aller a pris presque deux heures, le retour lui, n’aura duré que 45 minutes. Et heureusement pour Jeremy Magnier, contrairement à ce matin, il y a des trains dans l’après-midi pour retourner à Gap.
Article issu du Dauphiné Libéré