Le gratin dauphinois, le plat emblématique du Dauphiné

Il est des sujets avec lesquels on ne plaisante pas. La famille, les vêtements, la guerre… Il en va ainsi de la cuisine, dès qu’elle raconte un territoire, des gens taiseux, mais fiers, qui montent si vite en ébullition qu’ils en deviendraient presque susceptibles.

Christophe Aribert : « Celui qui ajoute du fromage, il est savoyard, il fait une tartiflette »

Le gratin dauphinois, c’est ce plat tout bête mais pas si bête, aux mille recettes, muscade ou pas, au couteau ou à la mandoline, Bintje ou Amandine, davantage de crème ou davantage de lait… Tout cela dépend des goûts, des saisons, de ce que vous a appris votre mamie. En revanche, si vous ne voulez pas être découpé en rondelles, ne prononcez pas le mot “fromage”. « Si tu en mets, on va pas être copain », plaisante le comédien Serge Papagalli. « Celui qui ajoute du fromage, il est savoyard, il fait une tartiflette », répond le chef 2-étoiles Christophe Aribert.

Christophe Aribert. Photo Le DL/Inès Guillemot
Christophe Aribert. Photo Le DL/Inès Guillemot

Faut-il y voir les prolongements de nos lointaines guerres ? « C’est vrai qu’on a souvent été en conflit avec le duché de Savoie », sourit le directeur du Musée dauphinois Olivier Cogne, que nous avons également sollicité pour ce sujet brûlant, tout comme le chorégraphe Jean-Claude Gallotta et le cuisinier Laurent Gras. Cinq interlocuteurs pour percer les secrets d’une patate et traverser des vies gourmandes : considérons que c’est suffisant pour parler d’enquête.

1788 et le duc de Clermont-Tonnerre, vous êtes sûrs ?

Au commencement était la pomme de terre. Ce n’est pas le sujet, mais ça donne une idée du contexte et vous permettra peut-être de finir un camembert au Trivial Pursuit. Ramenée d’Amérique du Sud, elle servait, au départ, à nourrir les cochons, puis s’est retrouvée dans les assiettes “des pauvres” avant de rejoindre les jolies tables de la bourgeoisie. Et notre gratin ? On y vient. Le 12 juillet 1788, un mois et quelques jours après la Journée des Tuiles, le duc de Clermont-Tonnerre, lieutenant général du Dauphiné, préside à Grenoble un repas pour les officiers de la ville de Gap.

C’est à cette occasion, pré-révolutionnaire, qu’aurait été servi le tout premier gratin dauphinois. C’est en tout cas la belle histoire qui se transmet, de bouche à oreille, d’Isérois à Isérois et de livre en livre. Mettons les pieds dans le plat : est-on certain de l’authenticité de cette anecdote ? Nous avons récupéré la copie dudit menu et, d’une belle écriture penchée, si “un gratin” est bien mentionné, aucune trace de “gratin dauphinois”. « En effet, c’est un sujet qui mériterait d’être creusé d’un point de vue historique. On a des hypothèses, des indices. La pomme de terre était bien présente dans notre région à cette époque. Mais ça pouvait tout aussi bien être un gratin de légumes », commente Olivier Cogne. Chou blanc !

Serge Papagalli : « Le gratin dauphinois, même s’il doit être fondant, il doit tenir debout quand on en coupe une part »

Refermons les archives. Et partons sur les sentiers, jamais décevants, des souvenirs et des sentiments. Membre de toutes les confréries de tout ce qui se boit et de tout ce qui se mange (la chartreuse, le saint-marcellin, la noix…), Serge Papagalli est grand maître du gratin dauphinois, « ce qui n’est pas rien, peut-être parce que je connais tout le gratin et que je suis une grosse patate ». Blague à part, du haut de son titre, le paysan de Kaamelott délivre ce conseil : « Mes racines, c’est aussi la cuisine italienne. Eh bien le gratin dauphinois, même s’il doit être fondant, il doit tenir debout quand on en coupe une part, comme un gâteau, comme un tiramisu. » Si ça s’effondre, « c’est nul, c’est de la soupe… »

Serge Papagalli. Photo Le DL/Benoît Lagneux
Serge Papagalli. Photo Le DL/Benoît Lagneux

« Depuis 125 ans et cinq générations, le gratin dauphinois est à la carte de notre restaurant. Chaque client y a droit », enchaîne le Grenoblois Laurent Gras. « Le mien est bon, mais celui de ma grand-mère Marie-Louise était imbattable parce qu’elle taillait les pommes de terre au couteau ». Le chef du “Per’Gras” aligne les adjectifs comme autant d’ingrédients : « Authentique », « simple », « convivial », « traditionnel », « indémodable »…

Ajoutons “mondial”, puisque notre vieille spécialité vient de rejoindre la carte d’un des plus grands restaurants de Las Vegas. La parole au chorégraphe grenoblois Jean-Claude Gallotta : « Il m’est arrivé un truc étonnant, il y a une vingtaine d’années. Je suis à New York pour un spectacle de danse et je passe devant une épicerie qui vend un peu de tout et qui s’appelle “Le Grenoble”. Intrigué, je suis rentré. Et j’en suis ressorti avec une part de gratin dauphinois ». Était-il bon, au moins ? « Je ne m’en souviens pas. » Pas inoubliable, donc.

Retour à l’authentique

Le gratin dauphinois n’a donc jamais autant eu la patate. VRP de nos contrées, il est aussi l’objet de concours, de tentatives de records du monde, vu à la télé, plébiscité sur internet. Pourquoi ? « Parce que c’est bon », résume Christophe Aribert, qui développe : « Il y a le besoin d’un retour à l’authenticité. Je suis issu d’une famille de paysans, de restaurateurs, de boulangers, je suis un enfant du gratin dauphinois fait avec les pommes de terre ramassées dans nos champs. J’ai grandi avec ce goût, ces odeurs ».

Pour le clin d’œil, et rendre hommage à ce Dauphiné qu’il aime tant, le chef des Terrasses d’Uriage a imaginé une bouchée de gratin dans son restaurant étoilé. « J’ai ajouté de la noix, qui prolonge encore le goût. Le défi était, en une bouchée, de retranscrire toutes les émotions, de transporter les souvenirs. » Et nous voilà, avec lui, repartis sur d’autres chemins, dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui étaient les tiens. « Le Dauphiné, c’est la rudesse des saisons, des gens, c’est une région qui ne s’apprivoise pas facilement, qui résiste… Le gratin, il raconte tout cela, ce besoin de réconfort, ce besoin de se retrouver. »

Jean-Claude Gallotta y met son grain de sel : « Je ne sais pas si le gratin dauphinois ressemble aux Grenoblois. Grenoble, c’est une ville multiculturelle… Un plat qui nous ressemble devrait être un mélange de beaucoup de choses… » Il réfléchit. On lui souffle, pour rigoler, le mot “tacos”, objet d’une franche rivalité entre Grenoble et Lyon, mais là, on s’égare, c’est une autre histoire, sans duc ni mandoline, mais avec du fromage, des patates et plein d’autres trucs dedans, plus ou moins identifiés. Ce sera la chute, bien lourde, et un peu tarte, de ce papier.

Laurent Gras. Photo Le DL/Laure Mamet
Laurent Gras. Photo Le DL/Laure Mamet
Chez le Per’Gras, c’est à la carte depuis 125 ans !

De génération en génération, sur les hauteurs de Grenoble, le restaurant “Chez le Per’Gras” est une institution. Et depuis 125 ans, le gratin dauphinois est de tous les menus de l’établissement. Voici la recette de Laurent Gras. Lui, c’est sans muscade.

Les ingrédients :

- 800 grammes de pommes de terre. Des pommes de terre anciennes. La variété peut changer en fonction des saisons : se faire conseiller par son maraîcher.

- 1 gousse d’ail.

- 1/2 litre de lait entier.

- 1/2 litre de crème liquide entière.

- Sel, poivre.

- 1 noix de beurre.

- Un plat en fonte (si possible).

La recette :

Faire préchauffer votre four à 160 degrés.

Éplucher les pommes de terre, les laver puis les couper en fines lamelles (vous pouvez utiliser une mandoline à condition de maîtriser cet outil particulièrement dangereux pour les doigts). Ne pas rincer les pommes de terre une fois coupées en lamelles.

Éplucher la gousse d’ail.

Frotter généreusement le plat de cuisson avec la gousse d’ail (écraser le reste et mettez-le dans le lait). Beurrer le plat de cuisson.

Étaler une première couche de pommes de terre, saler, poivrer.

Étaler une seconde couche de pommes de terre, saler, poivrer.

Si nécessaire, répéter l’opération jusqu’en haut du plat.

Verser le lait et la crème jusqu’à couvrir à peine les pommes de terre.

Enfourner à 180 degrés pendant 20 minutes, puis à 160 pendant une vingtaine de minutes

Surveiller régulièrement le gratin dauphinois pour éviter que le dessus soit brûlé.

Pour tester la cuisson du gratin dauphinois, une pointe de fourchette devra s’enfoncer sans difficulté.

Le gratin est prêt.

Servi plus tard, réchauffé, il sera encore meilleur.

Article issu du Dauphiné Libéré

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