Un ciel bardé d’étoiles sous lequel flotte une petite tente, perdue dans un désert de verdure ou de rocaille. Cette image du bivouac est belle, elle semble rimer avec liberté. Jusqu’à quelle limite ? L’horizon ne semble pas en avoir.
Dans ce cas, s’arrêterait-elle, comme l’écrit Jean-Jacques Rousseau, au moment « où commence celle des autres » ? Après tout, il était un randonneur averti, peut-être faut-il l’écouter. Et cet autre, qui est-ce ? Le bouquetin, la marmotte, ou cet autre dormeur qui a quitté son val, planté à quelques mètres seulement ? Débarrassons-nous tout de suite du cliché : celui qui bivouaque n’est pas toujours seul, a fortiori quand le coin est esthétique et les nuages absents. Les dizaines de tentes qu’accueille chaque soir le plateau d’Emparis, en Oisans, en fournissent la preuve quotidienne.
Par endroit, cet afflux se révèle trop important, comme le souligne Laurent Deschamps, accompagnateur en montagne depuis vingt ans, qui travaille au bureau des guides de Grenoble : « après la pandémie, on pouvait compter 100 à 120 personnes par soir aux lacs Achard, en Isère. Les gens viennent parce qu’ils voient des photos dans les magazines, dans les topoguides. D’une pratique obligatoire lors de traversées et de randonnées sur plusieurs jours, c’est devenu un but en soi », explique-t-il.
Même si la frénésie est selon lui légèrement retombée en comparaison de l’après-Covid-19, il considère que cette évolution du bivouac amène « plus de gens » à planter leur tente en montagne. Un geste qui, lorsqu’il est répété trop souvent, n’est pas sans conséquences sur la biodiversité. À tel point que certaines communes ont déjà interdit le bivouac par arrêté pour se protéger de ses dérives.
Des tentes installées trop souvent au même endroit étouffent la végétation, ce qui signifie que « l’herbe ne repousse pas de la même façon », note Laurent Deschamps. Il en va de même pour les feux, qui peuvent dégrader causer des dommages durables voire irréversibles, ou du dérangement causé par notre simple présence auprès de la faune.
Alors, pour réduire son empreinte et rendre la pratique du bivouac plus tolérable, à la fois pour les animaux, l’environnement, vos congénères et les autorités, voici quelques conseils à suivre.
1. Avant de partir, renseignez-vous sur les réglementations
Il y a ce que dit la loi et les spécificités locales. Généralement, le bivouac est toléré hors des rivages, des propriétés privées, des sites classés et des espaces protéger. Mais une ou plusieurs communes peuvent prendre un arrêté municipal d’interdiction, comme c’est le cas en Chartreuse depuis trois ans.
Dans les parcs nationaux, des réglementations restreignent généralement le bivouac, mais certaines déclinaisons sont spécifiques. Généralement, il est autorisé uniquement entre 19 h et 9 h du matin à plus d’une heure de marche des accès routiers. Mais en Vanoise, par exemple, il est interdit de bivouaquer, à moins de le faire à proximité d’un refuge. Les parcs naturels régionaux ne possèdent pas de réglementations communes, le mieux est donc de se renseigner au cas par cas.
2. Ne pas laisser de traces
Ce pourrait être un slogan. Même si l’affirmation semble évidente, mieux vaut la répéter : pour réduire son impact en montagne, il faut prendre soin de ne pas laisser de signe de son passage. Qu’est-ce que cela signifie ? Un petit sac poubelle glissé dans le sac pour redescendre tous ses déchets, même le petit bout d’emballage de barre de céréales qui a tendance à s’envoler.
Du côté des toilettes, le comportement de chacun a son importance. Dites-vous que si cela vous importune, les animaux à l’odorat aiguisé le seront autrement plus. Choisissez un endroit à l’écart des chemins et des courts d’eau. Vous pouvez creuser un trou pour enterrer vos déjections, à la manière d’un chat, ou au minimum les recouvrir de cailloux. « Quant au papier toilette, il ne doit pas en rester », insiste l’accompagnateur en montagne Laurent Deschamps. Laissé à l’air libre, il représente une pollution tant visuelle que pour l’environnement. S’il est interdit de le brûler ou de l’enfouir dans les zones protégées, le mieux est de le ramener avec soi dans un petit sachet hermétique.
3. Limiter au maximum les feux
Certes, un bon feu pour se réchauffer ou faire griller de la nourriture, peut sembler attractif. Mais les conséquences peuvent être dévastatrices, notamment sur les sols, qui mettent des années à se reconstituer. Sur les roches, les dégâts sont irrémédiables. Et dans certaines zones à la végétation rares, l’action même de couper du bois est problématique. Pour Laurent Deschamps, c’est aussi une question de mimétisme : « quand les gens voient un foyer, ils se disent que c’est possible de faire un feu, donc ils auront plus tendance à en faire eux-mêmes », décrypte-t-il. Alors, plutôt que des grillades, optez pour un réchaud. Et, pour éviter les coups de froid, munissez-vous d’une couche de vêtements supplémentaire !
4. Faire le moins de bruit possible
C’est une question de respect du voisinage, qu’il soit humain ou non. En pleine nature, la nuit, plus vous parlerez à voix basse, moins vous dérangerez les autres. Et surtout, ils n’ont sans doute pas envie d’entendre votre musique. « Les enceintes portables, il n’y a pas pire pour la faune », lance Laurent Deschamps. Même à titre personnel, il n’apprécie pas cette tendance : « normalement, quand on va bivouaquer en montagne, on le fait surtout pour la nature, la sérénité. » Alors la musique, c’est sympa, mais ça reste en bas.
5. Cohabiter avec les autres
En montagne, vous n’êtes pas seuls. Votre chemin croisera peut-être celui d’autres personnes venues bivouaquer, de bergers, voire de gardes de parcs si vous évoluez dans l’un d’eux. Veillez à laisser sa place à chacun : ne vous installez pas à proximité des troupeaux, des cabanes de berger ou dans une prairie non fauchée. Si vous souhaitez monter le camp à proximité d’un refuge, pensez à en discuter avec le gardien ou la gardienne en amont.
Bonus
- Ne pas laisser traîner de la nourriture pour les animaux sauvages.
- Monter le camp tard et repartir tôt.
Article issu du Dauphiné Libéré