L’effet Inoxtag : une explosion du nombre de jeunes passionnés de montagne ?

Il y eut d’abord ce sondage, auprès des 18-35 ans, commandé par Odalys, opérateur de résidences de Tourisme. Kaizen, vu par 33 % des jeunes, serait perçu comme une opportunité de relancer l’intérêt de ce public pour la montagne, 74 % des répondants se disant incités à s’y rendre.

Kaizen : une révolution dans le milieu de la montagne

Le film du Youtubeur Inoxtag, qui relate l’ascension de l’Everest du jeune banlieusard et sa préparation, a été vu 40 millions de fois sur internet, rassemblant 400 000 personnes dans les salles de cinéma en un soir, diffusé sur TF1 et racheté par la plateforme Disney… Une révolution dans et hors du milieu de la montagne.

Dans les salles d’escalade, François Petit, patron de Climb Up, plus grand réseau en France, sent un frémissement. Au Vieux Campeur, on voit des jeunes novices acheter du matériel. Mathis Dumas, le guide d’Inoxtag, lui-même spécialiste des réseaux sociaux, en tant que photographe, a vu son nombre d’abonnés sur Instagram doubler : 750 000 followers. L’Ardéchois est convaincu : « Toute une génération de 5 à 25 ans s’est fait piquouser à la montagne. Les réseaux offrent une nouvelle opportunité pour promouvoir une pratique responsable ».

Les influenceurs et leurs émules n’ont pas attendu Inoxtag pour s’oxygéner. Le film L’Ascension , avec Ahmed Sylla, adaptation de l’aventure d’un autre summiter fantasque, le Franco-Algérien Nadir Dendoune ( Un tocard à l’Everest , Lattès), avait déjà suscité des vocations à en croire les gardiens de refuge du mont Blanc, témoins d’un nouveau public.

Des stars de l’alpinisme comme Kilian Jornet, sont aussi des influenceurs. Là, on est dans un autre registre. Ines Benazzouz, jeune héros du quotidien, qui a commencé dans sa chambre avec des jeux vidéo, est amené à devenir un personnage récurrent des hauteurs. Cet hiver, il s’est mis au snowboard avec la freerideuse Marion Haerty et prévoit d’autres ascensions. « Pour lui, l’histoire commence maintenant », assure son guide. Pour autant sa « révélation » et son message, encourageant les jeunes à faire comme lui, lâcher son mobile, sa console, sa chambre, n’a pas été également perçu du côté des montagnards.

Si « 1 % de ceux qui ont vu le film venaient à la montagne ce serait fantastique »

Trop égocentré, commercial, trivial… Cinéaste et alpiniste, le guide François Damilano, compagnon de route de Sophie Lavaud, première Française à gravir tous les sommets de 8 000 mètres, joue les avocats. « Avant qu’il mette un pied en montagne il a fait l’objet de jugement de valeur. Or, il a su trouver des moyens, s’entourer des compétences, se préparer. Ce que tout amateur devrait faire. Les gens de la montagne rêvent que leurs photos soient vues, leurs films regardés et leurs récits lus. Lui a explosé les chiffres records de Maurice Herzog. N’y aurait-il pas une petite pointe de jalousie ? »

À l’observatoire des pratiques de montagne et d’alpinisme (OPMA), Jean Donnadieu reconnait que si « 1 % de ceux qui ont vu le film venaient à la montagne ce serait fantastique ». Pour lui, Kaizen a révolutionné un genre devenu ennuyeux, « avec une qualité d’image bluffante ». Et de le comparer, sur la forme, au récit de la conquête de l’Annapurna ou au film La vie au bout des doigts, avec Patrick Edlinger, point de départ de l’essor de l’escalade. Mais doute qu’il emmène réellement les jeunes en haut.

« Le message est vertueux mais il suffit de voir les commentaires sur YouTube accompagnant le film. On n’y retrouve aucune des valeurs de la montagne, comme la découverte. Je ne suis pas certain que ce film fasse la promotion de la montagne, plutôt celle d’une personne. Et si cette aventure avait eu lieu sur un autre sommet que l’Everest, aurait-elle connu le même succès ? »