Une pratique sportive de niche qui devient de plus en plus populaire depuis la pandémie de Covid-19. C’est la bonne nouvelle et en même temps le défi auxquels sont confrontées les stations de sports d’hiver. Selon l’estimation de la Fédération française de la montagne et de l’escalade (FFME), entre 220 000 et 250 000 personnes pratiquent aujourd’hui le ski de randonnée dans l’ensemble des massifs français.
« Contribuer à développer l’activité mais de manière raisonnée »
Une augmentation importante qui vient parfois bousculer ces mêmes stations, comme aux Aillons 1400, à 50 minutes en voiture de Chambéry et d’Aix-les-Bains. Une nuit de pleine lune, à la mi-janvier, avait provoqué l’afflux d’au moins une trentaine de skieurs de randonnée sur le domaine skiable pourtant fermé. Des situations de conflits d’usage qui ne cessent de se développer en Savoie et dans les six massifs montagneux que comptent la France.
« Ces situations sont présentes dans tous les massifs, particulièrement dans les stations proches de grands centres urbains comme la vallée de l’Arve, le bassin chambérien, Grenoble, et le Gapençais dans les Alpes du Sud. Nous, notre idée, c’est de contribuer à développer l’activité du ski de randonnée en station mais de manière raisonnée », précise Gaël Rastout, conseiller technique national pour le ski alpinisme à la FFME et directeur technique national (DTN) adjoint à la FFME.
La fédération réfléchissait déjà depuis un an à la question mais la saisine toute récente de communes, sur lesquelles sont implantés des domaines skiables, a accéléré les réflexions en interne. Des discussions doivent se désormais dérouler au sein de la Fédération nationale de la sécurité et des secours sur les domaines skiables (FNSSDS) en lien avec l’Association nationale des maires des stations de montagne. « C’est une réponse qui concerne tout le microcosme de la montagne hivernale. On ne veut pas la faire sans les exploitants, les élus, les directeurs de pistes, les loueurs de matériel et surtout les professionnels de l’encadrement, les moniteurs de ski, les guides de haute montagne, les secouristes », rappelle Gaël Rastout.
La pratique nocturne du ski : le cœur du problème
Si les discussions à la FNSSDS doivent également porter sur le développement d’une offre efficace en ski de randonnée dans les petites stations, en difficulté à cause du réchauffement climatique, le cœur du problème reste la pratique nocturne du ski, illégale sur des domaines fermés. « Pratiquer le ski de randonnée en station permet de découvrir l’activité, sans se soucier des contraintes de l’environnement montagnard vu que le domaine est sécurisé. Et ça permet aux sportifs les plus aguerris de faire leurs séances même lorsque les conditions météo sont les plus dégradées. Mais pour autant, il ne faut pas empêcher le travail des dameurs et le travail des pisteurs qui déclenchent tôt le matin les avalanches. Les skieurs de randonnée n’ont souvent pas conscience des dangers graves d’une dameuse en plein travail lorsqu’elle tend son câble. » Des situations qui peuvent tuer ou blesser gravement les imprudents qui emprunteraient les pistes au même moment.
Une des réponses à cette problématique pourrait être la mise en place d’un damage tardif, avec la fermeture d’une piste entre 20 et 22 heures pour permettre aux pratiquants de redescendre en toute sécurité. Des solutions qui se mettent parfois déjà en place dans les plus grosses stations, mais qui sont plus difficiles pour les plus petites, par manque d’effectif. « Le sujet est très complexe et ce sont vraiment les solutions locales qui marcheront en fonction des contraintes locales. Ce qui sera vrai au Margériaz ne le sera pas forcément à Flaine ou à Courchevel, idem pour les Pyrénées et les Alpes du sud. »
Les discussions entre acteurs de la montagne doivent débuter lorsque les domaines auront fermé. L’objectif est de formuler des propositions d’ici à l’hiver prochain. La FFME compte faire preuve de pédagogie auprès de ses licenciés sur les règles à respecter lorsqu’on pose des peaux de phoque sous les spatules.
C’est un marché qui représente désormais 8 % des ventes de skis, soit entre 35 000 et 50 000 paires vendues chaque année d’après l’Union sports et cycles. Longtemps perçue comme élitiste et marquée par l’esprit du ski alpinisme traditionnel, la pratique du ski de randonnée a commencé à prendre de l’ampleur sur les domaines skiables dans les années 2010 en marchant sur deux autres pieds : le ski cardio/performance d’un côté, pas forcément avide de grands espaces et, de l’autre, la freerando, davantage axée sur la descente et la recherche de pentes vierges.
Aujourd’hui, la Fédération française de la montagne et de l’escalade estime entre 220 000 et 250 000 le nombre d’amateurs de peaux de phoque. Depuis une quinzaine d’années, cet essor ne s’est pas démentie et les stations ont embrayé sur la tendance en aménageant des itinéraires adaptés.
Selon l’Université Savoie Mont Blanc, près de 200 de ces pistes de montée ont fleuri sur les domaines skiables français. « L’expérience est positive », reconnaissait dans nos colonnes, il y a quelques mois, Jean-Pierre Mirabail, président des remontées mécaniques d’Arêches-Beaufort, pionnière - avec Courchevel - en la matière : « Tout pratiquant, même débutant, peut évoluer en sécurité, à la montée comme à la descente par les pistes : ça a enlevé une grande partie des randonneurs sur les pistes. La pratique est de plus en plus prisée sur ces traces, avec des citadins qui ne connaissent pas forcément la montagne ».
Arêches fait d’ailleurs partie des rares stations à développer un modèle économique autour de la pratique, avec la création d’un forfait randonneur. Car dans les autres cas, l’argument choc du ski de rando est le coût à la journée : zéro euro côté forfait, tout dans la sueur et le plaisir.
Un avantage bien entendu à nuancer par l’investissement de départ dans le matériel (skis-chaussures-fixations), avec un ticket rarement en dessous des 1 000 euros, sans compter l’indispensable matériel de sécurité pour le hors-piste (DVA, pelle, sonde), à base de 300 euros.
Article issu du Dauphiné Libéré