« La saison est morte, nous, on est sur le futur ». Trois ans que Jean-Philippe Ribellino avait repris l’auberge de la Meije, l’historique étape créée fin XIXe et ancien centre UCPA. « On partait sur une saison record, avec + 30 % de réservations. » Le camping aussi était plein dès le 4 juillet. L’aubergiste a entendu le ministre de la Transition Écologique clamer que le hameau serait reconstruit. « Mais dans quinze jours il n’est plus là ». Et le lundi 24 juin, le patron du département était réservé.
« Trop tôt pour se prononcer, vu l’ampleur du phénomène »
L’auberge est selon son gérant l’un des rares bâtiments non détruits. Il dispose de la plus grosse capacité avec le chalet du Club alpin (70 places). Lui aussi, à l’écart de la lave torrentielle, est encore sur pied. « On jouera le jeu pour être un lieu d’accueil que la Bérarde soit accessible en voiture ou pas. Mais il faudra voir la stabilité du terrain, avec peut-être des travaux de soutènement », observe avec prudence Nicolas Raynaud le président de la Fédération qui imagine bien l’établissement jouer un rôle de refuge.
« Trop tôt pour se prononcer, vu l’ampleur du phénomène » indique Jean-Marc Vengeon, ancien président du bureau des guides aujourd’hui à la tête du syndicat nationale (SNGM). Les guides n’ont plus de local là-haut. Pour ce spécialiste des risques naturels, l’événement devrait faire évoluer la politique de prévention et soulève bien des questions autour de la sécurité, comme le résume l’architecte Jean-François Lyon-Caen : « Est-ce qu’on autorisera à habiter un hameau qui a subi un tel phénomène et à quel prix pour sa protection ? »
Pourra-t-on cet été accéder au Haut-Vénéon ?
La Bérarde, c’était deux restaurants, une crêperie, un hôtel et des locations de meublés, détruits pour la plupart. Les sinistrés sont fédérés par un lien avec l’application téléphonique WhatsApp. Pour le peu qui a résisté, il faut remettre les réseaux et quid des assurances ?
Pourra-t-on cet été accéder au Haut-Vénéon, pour quels itinéraires ? Tout dépendra de la réouverture de la route, sachant que le pont d’entrée au hameau n’existe plus et que les maisons sont ensevelies sous des tonnes de matériaux instables.
Dans un premier temps, les vallons en aval, la Muzelle dont le refuge est toujours gardé, et la Selle apparaissent comme les secteurs de repli pour alpinistes et randonneurs. « Ensuite le Soreiller et la Lavey, si l’accès aux Étages est rétabli » évoque Jean-Marc Vengeon. Ce hameau, situé sous de la Bérarde, le dessinateur Jean-Marc Rochette, un de ses résidents a pu l’atteindre en 4×4. La plupart de la vingtaine de bâtiments n’a pas été impactée. Et certains itinéraires du haut, la Meije ou Temple Écrins (Coolidge), pourront être accessibles par l’extérieur : la Grave et son téléphérique, la Vallouise, le Valgaudemar. Encore faut-il avoir les compétences techniques.
Un itinéraire pédestre aller-retour vers la Bérarde
L’avenir de l’accès dépend du travail des agents du parc des Écrins en charge des sentiers. Et à entendre Pierre-Henri Peyret le chef du secteur, il y a du soleil au-dessus de la grisaille. « Hormis les vallons des Étançons et de Bonnepierre, le dernier où on enverra des gens vus les risques, on a eu moins de dégâts que lors de la tempête Aline à l’automne. »
Sur 24 ouvrages franchissant les cours d’eau, huit sont à reprendre. Et les travaux menés avant la catastrophe, pour refaire le sentier du Carrelet, n’ont pas été effacés. « On attaque la réhabilitation des sentiers prioritaires au fur et à mesure de la réouverture de la RD, pour l’accès aux alpages, au fur et à mesure de nos découvertes, en remontant le Vénéon. Le souci est d’abord de rompre l’isolement des bergers. »
Parmi les scénarios, il y a l’idée de sécuriser un itinéraire pédestre aller-retour vers la Bérarde. Dans ce contexte sensible, le responsable du parc appelle les randonneurs à respecter la signalisation. Il songe au lac du Lauvitel, qui « atteint sa cote historique » où les gens s‘aventurent hors des rubalises s’exposant au terrain instable.
Article issu du Dauphiné Libéré