Les vins des Hautes-Alpes ont de plus en plus la cote

C’est la petite appellation qui monte. Le vin des Hautes-Alpes commence à se faire un nom, et à susciter un intérêt certain dans le monde du vin. Mais cette histoire est celle d’un renouveau comme l’explique Laëtitia Allemand, du domaine du même nom à Théus. « On sait que dans l’histoire, on a eu jusqu’à 7 000 hectares de vin sur la rive sud de la Durance. Au fil des siècles, les choses ont évolué. À une époque, la consommation était surtout liée au clergé notamment avec la cathédrale d’Embrun ou l’abbaye de Boscodon. Il y a eu aussi le fait d’être une terre de garnisons car là où il y avait des soldats, il fallait du vin. Pendant des années, les paysans avaient aussi leur propre vigne pour faire leur propre vin, mais on était sur un vin aliment, titrant très peu en alcool. La dégringolade a commencé, comme partout en France, avec le phylloxéra qui a ravagé de nombreuses vignes. Il y a eu ensuite les modifications liées au barrage de Serre-Ponçon qui ont incité de nombreux agriculteurs à privilégier l’arboriculture à la vigne parce que c’était plus rentable. »

Laëtitia Allemand a repris il y a quelques années le domaine familial. Elle produit des vins des Hautes-Alpes et travaille beaucoup avec le cépage local en rouge, le mollard.  Photo Le DL /Fabrice Margaillan
Laëtitia Allemand a repris il y a quelques années le domaine familial. Elle produit des vins des Hautes-Alpes et travaille beaucoup avec le cépage local en rouge, le mollard. Photo Le DL /Fabrice Margaillan

Des cépages locaux et uniques, particulièrement résistants

Par la suite, la vigne est devenue une affaire de cave coopérative et de vente en vrac. « Mon grand-père a été le premier à s’installer en indépendant pour faire du vin en bouteille. Puis mon père a décidé de cultiver du mollard qui est le cépage endémique des Hautes-Alpes et l’institut français du vin a mené une expérimentation pendant 15 ans avec lui sur des pieds de mollard. Ils ont sélectionné deux pieds de mollard particulièrement résistant pour les cloner. De mon côté, depuis quelques années, je retravaille avec un pépiniériste pour faire une sélection et garder plusieurs types de mollard pour à terme faire un conservatoire du mollard. » L’avantage de ce cépage en général et des vins des Hautes-Alpes en particulier, tient à l’altitude. «  Ce sont des vins qui gardent de la fraîcheur , ce qui est particulièrement appréciable avec le réchauffement climatique. Nous avons des amplitudes thermiques importantes entre le jour et la nuit, ce qui fait que le raisin ne monte pas trop en degrés d’alcool. Par ailleurs le mollard résiste bien au gel. En 2017, j’ai eu 80 % de mon chardonnay qui a gelé contre 20 % seulement de mon mollard. »

Un point bonus d’originalité

Pour Yann de Agostini du domaine du Petit Août, l’intérêt pour les vins d’altitude tient aussi « à leurs aromatiques très franches, et au fait que ces cépages, le mollard et l’espanenc, n’existent pas ailleurs. Cela fait des vins originaux qui ne ressemblent pas aux autres. L’espanenc par exemple aura un côté un peu fumé, un peu comme un cinsault. Et ce cépage résiste assez bien au manque d’eau. Le mollard, lui, est quelque part entre un gamay et une mondeuse noire. Quant aux cépages plus traditionnels, comme le merlot ou le chardonnay, ils réagissent différemment avec notre climat, ce qui fait des vins différents. Et c’est cette différence qui intéresse les amateurs de vins. Il y a quelques années, on vendait presque exclusivement en local. Maintenant on a des demandes venant de toute la France, mais aussi de l’étranger où on commence à exporter. »

L’export, le domaine Allemand en fait un peu, comme l’explique Laëtitia Allemand : « Mais pas plus de 5 % parce que je veux continuer à fournir la clientèle locale et je ne fais que 50 000 bouteilles par an. Le but n’est pas de faire de la quantité et d’avoir un très haut rendement à l’hectare, mais bien de faire de la qualité. Pour ce qui est de l’export, on travaille avec l’Europe du Nord et notamment le Danemark, mais aussi les États-Unis où nous sommes distribués en Californie, en Oregon et peut-être l’année prochaine à New York. »

Pour preuve de l’intérêt que suscitent les vins des Hautes-Alpes, on peut regarder le nombre d’installations de vignerons. « Il y a quelques années, nous n’étions que cinq. Nous sommes maintenant douze. Il y a aussi le fait que des vignerons d’autres régions commencent à se renseigner sur le prix à l’hectare ou pour savoir si des vignes ne sont pas à vendre. Cela signifie bien selon moi que certains se projettent et voit un bel avenir aux vins des Hautes-Alpes. »

Philippe Faure-Brac, meilleur sommelier du monde en 1992 connaît bien les vins des Hautes-Alpes.  Photo Le DL /Le Dauphiné Libéré
Philippe Faure-Brac, meilleur sommelier du monde en 1992 connaît bien les vins des Hautes-Alpes. Photo Le DL /Le Dauphiné Libéré
Validé par un meilleur sommelier de France et du Monde !

Dans le domaine de la sommellerie, Philippe Faure-Brac est un nom très connu. C’est un peu normal lorsqu’on a été meilleur sommelier de France et meilleur sommelier du monde. Ainsi, quand ce dernier donne un avis plutôt laudateur sur les vins des Hautes-Alpes, on écoute avec attention ce que le spécialiste dit. Ce Marseillais de 64 ans, connaît bien les vins des Hautes-Alpes. « Mes grands-parents étaient restaurateurs à Briançon, et il y avait toujours des vins locaux à leur table. Je me suis donc très tôt intéressé à ces vins. Plus tard, on m’a offert de faire une dégustation de ces vins, notamment des domaines Allemand et Tresbaudon, et j’ai goûté de belles choses. Cela m’a conduit à aller voir les domaines et j’ai constaté l’investissement des vignerons. »

Encore en quête d'identité

Pour Philippe Faure-Brac, les vins des Hautes-Alpes sont dans une phase où le vignoble renaissant se cherche un peu une identité. « Le cépage endémique mollard les aide. L’intérêt notamment de ces vins alpins, de ces vins d’altitude, c’est d’avoir une réserve de fraîcheur et d’acidité. À une époque, ils étaient trop acides, mais cela s’est équilibré et la prochaine étape pour eux sera d’avoir un peu plus de complexité. À chaque fois que je fais un événement dans la région, je viens voir les différents domaines et déguster ce qu’ils font. C’est enthousiasmant et intéressant d’accompagner cette évolution. Et je confirme qu’au fil des ans, il y a des progrès qualitatifs importants qui ont été réalisés. »

Effet de surprise

Pour autant, les vins des Hautes-Alpes, déjà présents sur toutes les bonnes tables du coin, tendent aussi à se faire une place plus loin. « Ce ne sont pas des vins très tanniques. On pourrait un peu les comparer à certains gamays. Ils peuvent donc plaire à une clientèle qui a envie de découvrir des choses différentes et qui aime être surprise. Ils peuvent aussi attirer des sommeliers ou des chefs qui ont envie de se démarquer de la concurrence. Mais c’est vrai que c’est important, pour ces vins moins connus qu’un sommelier fasse un travail de médiation pour en expliquer les typicités. »

Pour ce qui est de l’accord mets vin, Philippe Faure-Brac a des idées assez claires. « Un vin rouge à base de mollard serait parfait sur des viandes rôties, du gibier ou un petit pâté chaud en feuilletage avec des petits jus réduits… Ce serait très intéressant. Moi j’adorerais ça avec un plat que faisait ma grand-mère, un civet de chamois avec de la polenta. Le tout arrosé de sauce… C’est délicieux. C’est un petit peu ma madeleine de Proust. »

 

Les quelque 80 hectares de vigne permettent de mettre en bouteille 3 500 hectolitres de vin.  Archives photo Le DL /Vincent Ollivier
Les quelque 80 hectares de vigne permettent de mettre en bouteille 3 500 hectolitres de vin. Archives photo Le DL /Vincent Ollivier

Coup de pouce des médailles

En bordure de la route départementale 942, la cave des Hautes Vignes est la seule coopérative du département. Soixante-dix viticulteurs collaborent avec ce lieu présidé par Jean Sarret. Cela représente quelque 80 hectares pour 3 500 hectolitres. Touristes et locaux fréquentent la boutique pour trouver des cuvées haut-alpines. Les nouveaux clients viennent côtoyer les habitués. « Cette année, on n’a pas à se plaindre. On vend plus que l’an dernier à la même époque », se réjouit le président.

Régulièrement médaillés au concours général agricole, les produits se distinguent. « À chaque médaille, cela booste les ventes », commente Jean Sarret. L’an dernier, ce fut le cas après la médaille d’argent pour le rosé Terres d’en haut. Ils sont aussi mis en avant lors de salon. « À Serre Chevalier, lors du Salon des vins & saveurs, on a bien travaillé », poursuit-il.

Un travail sur le degré du vin

Actuellement, les clients se tournent davantage vers le blanc et le rosé plutôt que le rouge. « Mais cela dépend vraiment des années », nuance-t-il. On note une hausse des ventes du rosé car « il n’est plus associé qu’à l’été mais il se consomme toute l’année ». Si la quantité et la qualité sont au rendez-vous, il reste toutefois du travail. « Il faut travailler sur le degré du vin. Avec les années de sécheresse, il augmente. Les consommateurs recherchent plutôt des vins autour de 12,5 – 13 degrés. »

Article issu du Dauphiné Libéré

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