14 sommets de 8000 m avant 20 ans : le projet fou du Savoyard Alasdair McKenzie

La première fois qu’on a entendu parler d’Alasdair McKenzie, c’était en mai 2022. On l’avait croisé au camp de base de l’Everest surpeuplé , anonyme parmi les clients de l’agence népalaise Élite du héros starifié Nirmal Purja, vu sur Netflix. Sa mère, Laurence, nous signalait sa performance : le fiston n’avait pas 18 ans et en gravissant le Lhotse (8 516 m), quatrième sommet de la Terre, il entrait dans le Guinness Book.

La mouche le pique

À l’heure où les Sherpas sont les patrons sur ces montagnes qu’ils équipent de cordes fixes, façon via ferrata, Alasdair profitait de son acclimatation pour ajouter un autre 8 000 dans le panier, avec dans la foulée le Makalu. Une rotation d’hélico écourtant la marche de liaison entre les deux. « De retour en France, je me suis dit que si je pouvais faire deux 8 000 en neuf jours, pourquoi ne pas tenter les quatorze ? », explique l’adolescent, mine juvénile, sur la défensive dès qu’on sort de la voie d’un discours tracé. Ses héros ? Les Suisses, adeptes de l’escalade contre la montre, Dani Arnold ou feu Ueli Steck.

Objectif 2024

Aujourd’hui, records et expéditions commerciales vont bon train au royaume de l’oxygène rare, où les camps sont plus confortables. Le Youtubeur Inoxtag s’entraîne dur pour l’Everest. Et le Franco-Britannique, qui vit à Tignes depuis 7 ans, s’est mis en tête d’enchaîner les pics du toit du monde en 18 mois. Nous y voilà. Alasdair a presque tenu son pari. Seuls les deux géants situés au Tibet, le Shishapangma et le Cho Oyu, manquent à son palmarès, faute d’avoir obtenu le visa des Chinois qui limitent l’affluence sur leurs versants. Désormais, il vise le grand chelem des quatorze en 2024, pour ses 20 ans, ce qui resterait un record. Et une cinquième mention au Guinness.

Un Celte à haute altitude

Né à Lorient (Morbihan), le 20 juin 2004, le minot vit dans les Alpes depuis ses 9 ans. À Chamonix, d’abord, puis à Tignes où sa carrière de descendeur au ski-club a été brisée par les blessures. Son père écossais est ingénieur en Grande Bretagne, sa mère, Bretonne, qui se démène pour son projet, travaille dans la location d’appartements à Val d’Isère. « Je suis 100 % celte », sourit l’adolescent. Il suit l’école à la maison, un institut d’enseignement à distance est l’un de ses partenaires. Malgré sa dyslexie, Alasdair a passé avec brio le bac de français, mais bouclera l’examen avec un an et demi de retard. La quête des 8 000 passe avant.

Ses quatre mentions au Guiness book: plus jeune himalayiste sur les sommets du Lhotse, du Kangchenjunga, de l’Anapurna et à avoir gravi les cinq plus hauts sommets du monde.   Photo Le DL /Thierry Guillot
Ses quatre mentions au Guiness book: plus jeune himalayiste sur les sommets du Lhotse, du Kangchenjunga, de l’Anapurna et à avoir gravi les cinq plus hauts sommets du monde. Photo Le DL /Thierry Guillot

Des ménages avant les sponsors

Si papa maman sont très présents, pas question de les taper pour son projet. « Je pars du principe qu’à 8000, ma famille ne doit pas investir d’argent sur moi, au cas où il se passe quelque chose. Je veux montrer aux jeunes que tout est possible, j’ai commencé avec zéro contact ». Pour se lancer, il a fait du nettoyage d’appartements, histoire de payer son matériel. Et puisé dans l’héritage du pépé.

Désormais, la fondation de la princesse Charlène de Monaco ou sa station de Tignes l’accompagnent. Bertrand Riguidel, petit-neveu du grand navigateur assure sa com’. Il se lève avant l’aube pour s’entraîner, trouver des sponsors. Comptez 15 à 60 000 euros par expédition. En enchaînant dix sommets, 2023 a été faste. À l’Annapurna, il lui a fallu « 24 heures sans dormir », avec son sherpa pour faire la trace dans la neige profonde. Le 16 mai, comme 600 personnes ce printemps, il était sur l’Everest. Pour le coup pas pour un record, un Américain de 5 ans de moins l’a déjà fait. Au Pakistan, il a gelé sa combinaison au Gasherbum et enfilé cinq 8 000 comme des perles en 26 jours. « Sans prendre l’hélico », précise-t-il. Et pas d’oxygène en dessous de 7 500 m.

Des ascensions désormais au millimètre

Le plus difficile ? Le Nanga Parbat, et son mur Kinshofer. Depuis, il a changé d’agence pour avoir plus de chances d’aller au Tibet, sollicitant Sophie Lavaud, première Française tous sexes confondus à avoir réussi les 14. « Un garçon bien élevé », témoigne celle qui lui a dit le plus grand bien de Seven Summit treks, avec laquelle il a, depuis, coché le Dhaulagiri. Et le Manaslu, dont la véritable cime était souvent escamotée, jusqu’à ce que les experts du site 8000ers et de l’Himalayan data base révèlent, preuves à l’appui, que l’histoire était émaillée d’ascensions controversées. « Aujourd’hui avec les GPS, la cartographie, les drones, on ne peut plus se tromper de sommet. Ce qui n’était pas le cas pour les anciens », observe Alasdair. Et le routage météo garantit la fenêtre d’ascension.

Il pense à Reinhold Messner, avec qui il a fait un selfie à Katmandou. Selon ces Sherlock des cimes, l’Italien n’aurait pas tout à fait foulé le point le plus haut de l’Annapurna, à 40 m près. Faut-il revoir les tablettes de l’himalayisme ? Le Guinness Book a osé ce sacrilège, chassant le monument de son piédestal. « Altération de l’histoire », s’indigne la fédération internationale d’alpinisme (UIAA), louant la symphonie messnerienne, sans oxygène et souvent en solitaire.

Le Franco-Britannique Alasdair McKenzie qui a gravi 12 des 14 sommets de plus de 8000, en passe de devenir le plus jeune à réaliser le grand chelem à 19 ans.   Photo Le DL /Thierry Guillot
Le Franco-Britannique Alasdair McKenzie qui a gravi 12 des 14 sommets de plus de 8000, en passe de devenir le plus jeune à réaliser le grand chelem à 19 ans. Photo Le DL /Thierry Guillot

Même après 12 sommets l’apprentissage continue

En 1986, il avait fallu 16 ans à Messner pour boucler les « quatorze ». En 2023, la Norvégienne Harila et le Népalais Tenjen Sherpa ont mis trois mois, appuyés par une logistique qui n’a rien à voir avec l’esprit d’aventure de jadis. Mais le 7 octobre, ce dernier périssait dans les avalanches au Shishapangma, faisant quatre morts, dont deux Américaines en compétition pour décrocher le grand chelem des 8 000. Cet hiver, Alasdair va s’entraîner, avaler à peaux de phoque les 2 000 m de dénivelé qui séparent son appartement de Val Claret du sommet de la Grande Motte. En espérant qu’au printemps, les autorités chinoises rouvrent leurs sommets. Après, il compte enchaîner sur des études de sports (STAPS), pour devenir guide. Il est le garçon français le plus capé à 8 000. Le regretté Jean-Christophe Lafaille a disparu à son douzième. Mais dans les Alpes où il n’est pas sorti des voies normales (mont Blanc, Eiger ou Cervin), il lui faudra acquérir un autre bagage technique.

Article issu du Dauphiné Libéré

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