Brame du cerf : à l’écoute des stars du rauque

La nuit est tombée sur cette lisière de forêt de Montmaur. En ce soir de mi-octobre sans lune, l’œil a cessé de percevoir. L’oreille a pris le relais. Chou blanc : assurément rien ne ressemble à un brame du cerf. Grâce à Thierry Coulée et Jean-Marc Léouffre de l’Office français de la biodiversité (OFB), la soirée offre une somme de connaissances sur le cervidé et sa bruyante période des amours, estimée du 15 septembre au 15 octobre. Mais avec jusque-là une légère déception : ne pas avoir entendu le cri de l’animal en rut.

Un rituel bien précis

Essayer d’écouter le brame, c’est apercevoir une forme de société. « Les cerfs cherchent à rassembler des biches pour s’accoupler avec », décrypte Thierry Coulée, chef de service départemental adjoint. Mais cet objectif de reproduction n’est pas le seul. « Ils se manifestent par la voix pour montrer aux potentiels concurrents leur puissance. C’est un code qu’ils comprennent entre eux. » Et si cela ne suffit pas ? Le rituel se poursuit. « Ils se jaugent, ils vont taper leurs bois contre les arbres », complète Jean-Marc Léouffre, inspecteur de l’environnement. Jusqu’à l’affrontement, bois contre bois, de deux animaux. « Le combat, c’est l’étape ultime », tempère-t-il.

Places de brame : c’est qui le patron ?

Retour à Montmaur. Sans un bruit, à la lisière du Villard, plusieurs animaux ont finalement fait leur apparition. Quand la vision fait défaut, l’OFB a des atouts dans son équipement. À commencer par des jumelles infrarouges pour voir les silhouettes animales se dessiner. La commune de Montmaur, est comme d’autres lieux, prisée des cerfs et des biches. « Ils sont présents dans le Bôchaine , le Rosanais, le Queyras, vers Chaudun, ils basculent aussi dans le Champsaur », énumèrent les agents.

Des secteurs où on retrouve des « places de brame ». Des lieux qui marquent l’installation d’une population de cervidés – avec des mâles dominants ou en passe de l’être. « Un secteur avec assez de place, une ouverture pour que les cerfs puissent se montrer et se voir, assez large pour rassembler un troupeau de biches. C’est aussi une zone d’alimentation », décrit Thierry Coulée. Ce n’est pas forcément le cerf qui tient la place qui est le plus actif en termes de reproduction malgré ses efforts. « Contrairement aux idées reçues, une grosse partie des saillies se fait en périphérie. Le mâle [dominant] étant tellement occupé à défendre son territoire », signale Jean-Marc Léouffre.

Trois choses à savoir sur les cerfs

On parle de bois, mais…

Malgré leur nom, les bois des cerfs sont en fait « de la même consistance que l’os », explique Jean-Marc Léouffre, inspecteur de l’environnement au sein de l’Office français de la biodiversité (OFB). Ce qui le différencie d’ailleurs des animaux porteurs de cornes… Où il s’agit de kératine, comme les ongles.

Chaque année, le bois du cerf pousse sous une forme fragile et donc sous un « velours », une « peau protectrice » largement vascularisée. C’est d’ailleurs une des manières de repérer le passage de cerfs : une fois que les bois ont durci, l’heure va être à se débarrasser du velours. Pour accélérer cette chute, le cerf se frotte alors aux arbres.

Les signes d’une présence de cerfs

Se frotter sur des arbres répond donc à un « besoin biologique », reprend Thierry Coulée, chef de service départemental adjoint à l’OFB. Mais il peut aussi y avoir une volonté de « marquage » territorial, complète-t-il. Les propriétaires forestiers peuvent ainsi repérer la présence de cerfs car cela peut « casser les branches, lacérer l’écorce et faire des rayures assez profondes », note-t-il.

Autre signe possible, l’abroutissement, le terme consacré pour désigner le broutement de bourgeons et jeunes arbustes. « En arboriculture, on a une autre valeur économique de l’arbre et ça peut engendrer des coûts très élevés », complète Jean-Marc Léouffre.

Comment va se passer la période froide ?

Dans les Hautes-Alpes, notamment s’il est confronté à la présence de neige, le cerf va faire « une migration altitudinale et utiliser tous les adrets [les versants de vallée les plus exposés au soleil, NDLR] et endroits dégagés », signale Jean-Marc Léouffre. Idéalement, il cherchera un lieu entre milieu forestier et pelouse. La première strate pour le gîte, la seconde pour l’alimentation.

En période de brame, les cerfs peuvent perdre 20 à 30 % de leurs poids

Dans la nuit montmaurine, les cerfs se nourrissent – des amateurs d’herbacées ! – mais, ce soir-là, ne brament guère : la fin du rut se confirme. La vie plutôt nocturne de l’espèce est à chercher, au moins en partie, en raison de l’homme. L’une des missions de l’OFB (lire par ailleurs) est d’éviter « une pression humaine de dérangement importante », signalent les deux agents. Une présence, parfois invasive, qui perturbe une période de temps déjà contrainte. « Si les lieux sont fréquentés, les animaux ne sont vraiment là que lorsque la nuit arrive », confirme Jean-Marc Léouffre.

Le brame, c’est un sérieux moment de vulnérabilité. « Les cerfs qui y participent peuvent perdre 20 à 30 % de leur poids », sur un poids qui peut avoisiner les 200 kilos, chiffre l’agent de l’OFB. « C’est une activité qui leur fait consommer beaucoup d’énergie. Ils ont besoin de se reposer en journée et ils ont moins de temps pour s’alimenter », complète Thierry Coulée. Des cerfs peuvent d’ailleurs mourir. Soit blessés dans un combat, soit en s’étant trop dépensé pour tenir l’hiver.

Dernière tentative du soir 

Exit le lieu-dit le Villard, bonjour le hameau de La Montagne. Les agents OFB scrutent en infrarouge : une vingtaine d’animaux est bien là. Dans un silence seulement interrompu par le vent. Et là, c’est le brame. Le cervidé gratifie son auditoire de biches, de mâles concurrents et d’humains curieux de son cri rauque, profond, grave. Si le concours de barytons de la forêt a porté ses fruits, les faons verront le jour après huit mois de gestation.

« Les gens ont envie de voir toujours plus près et toujours mieux, en dépassant des règles de sécurité »

Si l’Office français de la biodiversité (OFB) assure des patrouilles lors de la période de brame du cerf, ce n’est plus dans une volonté de compter l’espèce. « Pendant longtemps, pour estimer la population dans un massif donné, on le faisait. Mais c’est assez approximatif », confirme Thierry Coulée, chef de service départemental adjoint de l’OFB dans les Hautes-Alpes.

Alors, la présence des inspecteurs de l’environnement, c’est plutôt pour s’assurer qu’une espèce bipède ne fait pas n’importe quoi. « Quand ils brament, les animaux sont beaucoup plus vulnérables. Ils perdent leur caractère de prudence. Notre but, c’est de faire attention à ce que les gens gardent leur distance. Car ils ont envie de voir toujours plus près et toujours mieux, en dépassant des règles de sécurité », décrit Jean-Marc Léouffre. Or, une simple seconde de dérangement humain peut perturber des heures d’attente animale. Sans compter une possible mise en danger si le cerf se montre agressif : faire du bruit peut vous faire passer pour un concurrent potentiel !

Bruits et parfums à éviter, sources lumineuses à proscrire

Durant la période de brame, l’OFB est ainsi dans la prévention – des flyers dédiés sont distribués au grand public, notamment dans des lieux comme La Montagne de Montmaur, où les files de voiture garées en contrebas de la route sont parfois longues. Mais aussi prévenir de possibles infractions comme le braconnage ou le dérangement lumineux. Ce dernier, réalisé avec des phares de voiture ou un projecteur par exemple, peut valoir à son auteur une amende de 4e classe, soit 135 € pouvant être majorée à 750 €.

L’Office français de la biodiversité donne plusieurs conseils pour une bonne appréciation de la période : “rester éloigné des places de brame”, “rester le plus discret possible pour ne pas inquiéter les animaux et éviter de se parfumer”, “ne pas chercher à s’approcher des animaux”, “ne pas utiliser de sources lumineuses” (ça vaut aussi pour les flashs de téléphones et d’appareil photos), “ne pas emmener de chiens, même tenus en laisse”. Un conseil supplémentaire ? Le pic du brame, dans les Hautes-Alpes, c’est la dernière semaine de septembre et la première d’octobre. Il faudra privilégier la tombée de la nuit ou l’aube et attendre silencieusement. G.F.

Article issu du Dauphiné Libéré

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