Quatre générations de moniteurs de ski : bienvenue chez les Bréchu à Serre-Chevalier

De Jules, médaille 368, à Paul, médaille 17609, la famille Bréchu suit de génération en génération le même fil rouge. Aujourd’hui, ils sont huit à faire partie de l’ESF de Serre-Chevalier Villeneuve. François a pris la parole pour nous conter leur belle histoire, du Mexique à la vallée de la Guisane.

« Nos grands-parents étaient des “Barcelonnettes” qui ont émigré au Mexique avec l’espoir d’y trouver une vie meilleure, moins dure que dans la vallée de l’Ubaye à l’époque, et un travail… Jules, notre père, est né là-bas en 1917. À l’âge de 12 ans, il est revenu pour suivre ses études au collège-lycée de Barcelonnette, construit avec l’aide financière des expatriés au Mexique qui envoyaient leurs enfants en France pour leur donner une éducation. Les garçons retournaient en principe au Mexique une fois leur bac obtenu et leur service militaire effectué. Mais la Seconde Guerre mondiale a éclaté, et papa a été fait prisonnier. Il est resté deux ans dans un camp de travail en Allemagne, avant d’être blessé et rapatrié en 1942. Il n’est pas retourné au Mexique avant l’âge de 55 ans ! C’est durant son adolescence à Barcelonnette qu’il a appris à skier aux côtés d’autres pionniers de sa génération, comme son ami Honoré Bonnet. »

L’aventure Jeunesse et Montagne

« Après son retour d’Allemagne et sa guérison, il a rechaussé les skis et intégré le centre Jeunesse et Montagne d’Ancelle en tant que moniteur alpin. Le groupement « J&M » avait été créé en août 1940 par l’armée de l’air française défaite et clouée au sol, afin de canaliser l’énergie des jeunes soldats pendant l’occupation et de leur donner une formation, à la montagne en l’occurrence. Plus officieusement, il s’agissait de soustraire les jeunes aviateurs au STO (Service du travail obligatoire). Le ski était considéré comme un bienfait pour la jeunesse. Jules et les autres instructeurs les emmenaient skier, mais aussi marcher, grimper, construire ou retaper des refuges, aménager des sentiers, des chemins, des routes… C’est à cette période qu’il a rencontré notre mère, Marthe, fille d’agriculteurs du village d’Ancelle. »

Photo collection famille Bréchu
Photo collection famille Bréchu

Moniteur de ski et guide de haute montagne

« Après guerre, les groupements Jeunesse et Montagne n’avaient plus lieu d’être et ont été transformés en association UNCM (Union nationale des centres de montagne), puis UCPA en 1965, et Jules a été convié à l’ENSA pour préparer les diplômes de guide de haute montagne et de moniteur de ski. C’étaient les premières promotions, au début des années 50. Il avait un très bon niveau à ski et a participé aux championnats de France. Bon alpiniste également, il a effectué son stage de guide en compagnie d’anciens de J&M comme Lionel Terray, Louis Lachenal, Gaston Rébuffat… Avec eux, il a réalisé la troisième ascension de l’éperon Croz aux Grandes Jorasses, et Lionel Terray venait souvent grimper au Bez, nos parents l’hébergeaient.

Après avoir été nommé dans plusieurs centres UNCM, dont le centre Vallot à Chamonix, papa a été muté au Bez en 1946 et c’est dans ce petit village de la vallée de la Guisane qu’il a décidé de poser ses valises, en achetant une maison au pied des pistes. Pendant qu’il enseignait et faisait le guide, maman s’occupait de nous, les quatre enfants : Monique, Henri, François et Jacques. L’hiver, elle faisait quelques extras dans les commerces de la station qui commençait à se développer – le téléphérique de Serre-Chevalier a été inauguré en 1941, en pleine guerre ! Tout le monde montait là-haut depuis Chantemerle, à 2550 mètres, et redescendait en hors-piste. Gamins, nous avons appris à skier dans les champs, dans la cour de l’école ou dans les rues du village car il n’y avait pas de voitures. Et puis, à côté de chez nous, il y avait le téléski de Madame Veyne, le seul remonte-pente du Bez… Nous y passions tout notre temps libre, sur une pente bien raide que nous descendions en petits virages. C’est pour ça que les Bréchu sont devenus de bons slalomeurs ! En grandissant, nous avons tous fait partie du CSHB, le ski-club du Briançonnais, le seul de la vallée à l’époque. Parfois, nous suivions à distance notre père avec ses élèves, mais nous avons très peu skié avec lui. Il aimait vraiment enseigner, guider, il baignait dans ce milieu été comme hiver. »

La fibre commerçante

« En 1968, la télécabine de Fréjus a été construite. Papa avait cédé un bout de terrain à la commune, pour trois francs six sous, afin d’y implanter la gare de départ. Un an plus tard, il a eu l’idée d’installer une cabane pour louer du matériel de ski sur une partie de la choulière (notre potager) qui se trouvait au pied de la télécabine. Maman était ravie de tenir la boutique ! Elle louait et réglait les skis pendant que papa enseignait à l’UCPA. Et le soir, il remettait les skis en état. Cela a duré quatre ans, maman s’est régalée, elle a fait fructifier la cabane avec un stock de plus de cent cinquante paires de skis et a ainsi posé les fondations de notre entreprise familiale. Fin 1973, avec l’essor de la station, le centre commercial de Villeneuve a été créé, le maire proposait aux gens du pays de prendre des locaux, on a foncé ! On a ouvert un magasin, plus spacieux que la cabane, dans le centre de Pré-Long. »

 Les garçons sont devenus moniteurs à leur tour

« Pendant ce temps, chacun de nous a poursuivi son chemin. Monique, pourtant bonne compétitrice, est la seule à ne pas avoir revêtu le pull rouge ; elle est devenue institutrice et est adjointe au maire de Briançon. Nous, les garçons, sommes tous devenus moniteurs. À commencer par Henri qui, après sa brillante carrière en équipe de France de ski, est devenu moniteur et guide, comme papa. Je lui ai emboîté le pas pour le monitorat, tout comme Jacques. À travers l’enseignement, chacun a vécu sa passion à sa manière, avant de rejoindre les parents au magasin qui a pris de l’ampleur et de la superficie au fil des ans. Nos enfants ont également tous fait un bout de chemin au ski-club de Serre-Chevalier. Quatre d’entre eux sont devenus moniteurs ; le dernier en date, Paul, a reçu sa médaille au printemps dernier. La flamme rouge n’est pas près de s’éteindre au petit village du Bez qui a vu naître quinze autres moniteurs ESF : six Astier, quatre Borel, trois Sylvestre et deux Gravier. Sans compter la quatrième génération de Bréchu qui arrive ! »

Jules, le Mexicain de Barcelonnette

Né en 1917 au Mexique et décédé en 1998, Jules est revenu suivre sa scolarité en France à 12 ans, à Barcelonnette, où il a aussi appris à skier. Devenu guide de haute montagne (1950) et moniteur de ski (1952), il a été nommé sur différents centres UNCM : Saint-Etienne-en-Dévoluy, La-Chapelle-en-Valgaudemar, Le Bez à La Salle-les-Alpes, puis dans la vallée de la Guisane où il s’installera avec sa famille. Visionnaire, il implantera une cabane en 1969 sur l’emplacement de son potager, au pied de la télécabine de Fréjus, pour y louer du matériel de ski. En 1973, Bréchu Sports est déplacé au centre commercial de Pré-Long. Jules et Marthe, décédée en juin dernier, mèneront rondement leur affaire familiale qui ne cessera de se développer, et insuffleront un véritable esprit de famille où chacun(e) trouve sa place.  

Jacques, François et Henri. Photo Francis Bompard / Zoom Agence
Jacques, François et Henri. Photo Francis Bompard / Zoom Agence
La deuxième génération en rouge

Henri, le champion de la famille

Né en 1947, il est l’un des premiers à faire partie du ski-club de Briançon (CSHB). Après avoir brillé sur les compétitions régionales et nationales jeunes, il intègre l’équipe de France (1964) dirigée par le charismatique Honoré Bonnet, ami de son père et originaire de Barcelonnette lui aussi. Henri skie dans le sillage des champions locaux Jules Melquiond et Louis Jauffret. Ses coéquipiers sont Alain Penz, Henri Duvillard, Patrick Russel, Jean-Noël Augert… Il signe plusieurs podiums en slalom et remporte celui de Madonna Di Campiglio en 1970. Après le clash de l’équipe de France en 1973, il met un terme à sa carrière et rentre au pays. Il obtient son diplôme de moniteur en 1972 et celui de guide de haute montagne en 1976. Il s’investit rapidement au magasin et est régulièrement sollicité pour les ouvertures de chamois et de flèches par l’ESF de Villeneuve. Compétiteur dans l’âme, il remporte deux fois le Challenge des moniteurs en individuel et une fois par équipe ! Il s’adonne encore à son grand plaisir, le ski de randonnée : chaque printemps, il retrouve ses anciens potes de l’équipe pour un raid à ski.

 

François, dit « Pancho »

Né en 1949, compétiteur au CSHB, il obtient son monitorat en 1974 et enseigne à l’UCPA avant de barouder « en Suisse ou dans les Pyrénées, partout ailleurs que chez moi où il y avait aussi un Club Med ! » Il revient en Guisane en 1972, année de la création de l’ESF de Villeneuve. « Nous étions une douzaine de moniteurs, installés dans un petit cabanon. Nous avons été agréés par le Syndicat un an plus tard et avons déménagé dans nos locaux actuels. Le directeur était Benjamin Alphand, l’oncle de Luc, dont j’ai été le directeur technique durant les vacances de février. Mais je me suis vite aperçu que je n’étais pas fait pour ça ! » Motivé et énergique, il lancera les premiers stages compétition au sein de l’ESF, le premier Derby de Serre-Chevalier et les « Démo Ski Show » afin de dynamiser les descentes aux flambeaux. Au début des années 80, François, passionné de cheval, gardian en Camargue l’été, rejoint Henri et Jacques pour travailler à plein temps au magasin l’hiver. Aujourd’hui à la retraite, il a rempilé à l’école de ski. « L’ESF m’appelle quand elle a besoin et j’en suis très heureux ! »

 

Jacques, le cadet

Né en 1952, excellent slalomeur lui aussi, il est cependant freiné en tant que compétiteur par des troubles de la vue. Il prépare le monitorat et sort major de sa promo en 1977. Passionné par la compétition et l’enseignement, il devient entraîneur du ski-club de Serre-Chevalier tout juste créé en 1968. Durant sept ans, il coache les jeunes  dont Thierry Méano, Marina Laurençon, Lionel et Luc Alphand… Il a adoré pratiquer le ski libre avec ses jeunes pousses, avant d’intégrer lui aussi Bréchu Sports à plein temps et d’être président du ski-club de 1988 à 1996. Naturellement, il transmet sa passion du ski aux clients du magasin et se spécialise dans le bootfitting.

Fabien, Baptiste, Anaïs, Paul. Photo Francis Bompard / Zoom Agence
Fabien, Baptiste, Anaïs, Paul. Photo Francis Bompard / Zoom Agence

Fabien > Fils de Monique Bréchu-Ollagnier, diplômé en 1994, il a été entraîneur au ski-club. Aujourd’hui architecte, il enseigne comme renfort pendant les vacances scolaires.

 

Baptiste > Fils de Jacques, il a obtenu son BE en 2002 après avoir été coureur six ans sur le circuit FIS. Il est entraîneur au ski-club de Serre-Chevalier depuis 2004, référent pour la catégorie U10. Il est aussi menuisier-charpentier de métier.

 

Anaïs > Fille d’Henri, elle a obtenu son BE en 2005. Maman de trois enfants, elle est monitrice à l’ESF de Villeneuve où elle se régale avec les Piou Piou. Parallèlement, elle a repris des études de psychologie.

 

Paul > Fils de François, il est diplômé depuis le printemps 2017. Après avoir réussi son DUT en commerce international à l’IUT d’Annecy, il est parti enseigner toute la saison 2015 à Whistler au Canada. Sa passion : le ski freeride….

 

Sylvain > Fils de Monique, et Magali, fille de François, ont quant à eux repris les rênes de la boutique.

 

La quatrième génération arrive avec Jules et Margot, les enfants de Baptiste, et Clémence, la fille de Sylvain, qui font tous trois partie du ski-club de Serre-Chevalier. Jules est même le 8e membre de la famille à avoir récemment revêtit la combinaison rouge, intégrant l’ESF locale.

Article issu du magazine Traces

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