Au lendemain de sa descente de la vallée Blanche en ski tandem, Tony Moggio plane toujours sur son nuage. « J’ai oublié que j’étais en fauteuil », confie ce Toulousain tétraplégique depuis un grave accident de rugby en février 2010. Avec l’aide d’une grande équipe composée notamment de moniteurs de ski et d’un guide de haute montagne, l’ancien talonneur lourdement handicapé est venu à bout mercredi 31 janvier de la vallée Blanche, le hors-piste glaciaire mythique au départ de l’aiguille du Midi.
Trois ans de préparation
Un défi qu’il prépare depuis près de trois ans. « J’étais venu à Chamonix faire du ski tandem en vacances. J’ai demandé à mon moniteur quelle serait la descente la plus folle à faire pour une prochaine fois. Il m’a parlé en rigolant de la vallée Blanche, mais moi j’ai pris son idée très aux sérieux », se souvient celui qui pour se reconstruire s’est déjà lancé de nombreux défis sportifs, comme traverser le golfe de Saint-Tropez à la seule force de ses bras, partiellement mobiles.
Mais s’engager sur ce hors-piste qui n’est pas dénué de risques, n’a pas été simple. Deux années de suite, les mauvaises conditions observées en haute montagne ont contraint Tony Moggio et son équipe à reporter ce projet fou. Les crevasses trop présentes et trop béantes rendaient trop dangereuses toute tentative. « D’une certaine façon, nous avons été témoins du réchauffement climatique en montagne », explique celui qui, à chaque fois, bien que déçu, s’est accroché et à continuer de s’entraîner.
« Sur l’arête, j’étais dans le mal »
Arrivé en début de semaine au pied du Mont-Blanc, le Toulousain apprend cette fois que tous les voyants sont au vert. Grâce à l’aide de la Compagnie du Mont-Blanc, les nombreuses personnes impliquées dans cette aventure déposent du matériel au sommet de l’aiguille du Midi, la veille de la tentative. Une benne leur est même réservée le lendemain à 8 h 30. Là-haut, l’ex rugbyman est installé allongé dans une barquette. Encordé, celui qui ne cache pas avoir eu très peur, dévale couché l’arête vertigineuse.
« Ma capacité respiratoire est limitée et j’ai beaucoup de mal à réguler ma température. Lutter contre le froid et l’altitude a donc été très dur. À ce moment-là, j’étais dans le mal », reconnaît ce battant, qui, pour se préparer, avait été à plusieurs reprises au pic du Midi, dans les Pyrénées, dans les semaines qui précédait cette descente.
« Je ne marche plus mais j’avance toujours »
La manœuvre périlleuse de l’arête effectuée, celui qui a déjà écrit plusieurs livres sur son parcours de vie prend place dans un fauteuil, monté sur une paire de ski. Derrière lui, aux petits soins, se trouve Hervé Bourchanin, de l’association Safe mountain qui accompagne les personnes à mobilité réduite dans la pratique des sports de glisse.
Le reste est un moment suspendu. Entouré des sommets mythiques du Mont-Blanc, le sportif de 38 ans est transcendé. « J’ai surtout été frappé par la solidarité autour de moi. Pour quelqu’un de handicapé, c’est difficile d’accorder sa confiance aux autres, mais là je n’avais pas le choix. Pour remonter à pied jusqu’au Montenvers, toute l’équipe s’est employée comme jamais. »
Une expérience inoubliable dont se souviendra toute sa vie celui qui veut prouver aux personnes ayant connu des drames similaires aux siens, qu’une vie intense et qui mérite d’être vécue peut encore s’offrir à elles. « Après mon accident, j’aurais pu me laisser mourir, mais grâce à mon entourage et ma détermination, j’ai transformé mon handicap en force motrice. Je ne marche plus mais j’avance toujours. »
