Tour de France : que change le passage au-dessus de 2000 mètres pour les coureurs ?

Chaque été, le Tour de France prend de la hauteur. Et quand la route s’élève au-dessus des 2000 mètres d’altitude, le mythe rejoint la science : l’air se fait plus rare, les jambes plus lourdes, et la course plus incertaine.

Mais concrètement, que se passe-t-il dans le corps des coureurs lorsqu’ils flirtent avec les sommets des Alpes ou des Pyrénées ? Pourquoi cette barrière symbolique des 2000 mètres est-elle si redoutée et si décisive ? Analyse d’un phénomène à la croisée de la physiologie, de la tactique et de la légende.

Le cap des 2000 mètres : plus qu’un chiffre, un seuil physiologique

En altitude, tout change. À partir de 1500 mètres, l’organisme commence à ressentir les premiers effets de la raréfaction de l’oxygène. Mais c’est surtout au-delà de 2000 mètres que les conséquences deviennent notables pour un coureur cycliste en pleine performance.

Sur le Tour de France 2025

Ce seuil des 2000 mètres d'altitude va être franchi à 3 reprises sur le Tour de France 2025 :

  1. Le samedi 19 juillet au col du Tourmalet (2115 m) lors de l'étape entre Pau et Luchon-Superbagnères.
  2. Le jeudi 24 juillet au col de la Loze (2304 m) lors de l'étape entre Vif et Courchevel-Col de la Loze.
  3. Le vendredi 25 juillet à La Plagne (2052 m) lors de l'étape entre Albertville et La Plagne.

L’hypoxie : l’ennemi invisible

À 2000 mètres, la pression atmosphérique chute d’environ 20 %. Résultat : l’air contient moins de molécules d’oxygène par litre. Ce phénomène, appelé hypoxie, entraîne une baisse du taux d’oxygène dans le sang, ce qui impacte directement la capacité aérobie du coureur. Le cœur doit battre plus vite, la respiration s’accélère, et les muscles fatiguent plus rapidement.

Des corps (plus ou moins) préparés à l’altitude

Les coureurs professionnels ne laissent rien au hasard. Pour affronter les grands cols, l’acclimatation est essentielle.

Des stages en altitude et une adaptation physiologique : les équipes World Tour envoient régulièrement leurs leaders en stage à plus de 2000 mètres : Tignes, le Teide (volcan des Canaries) ou la Sierra Nevada (sud de l’Espagne) sont devenus des camps de base. Là-haut, le corps s’adapte progressivement en augmentant la production de globules rouges, ce qui améliore le transport de l’oxygène. Cet effet met une dizaine de jours à se manifester pleinement, mais peut ensuite durer plusieurs semaines.

Ce mécanisme naturel, appelé érythropoïèse, est comparable à un « dopage légal », recherché non seulement pour performer en altitude, mais aussi pour bénéficier d’un avantage à plus basse altitude par la suite.

Des différences selon les profils : certains coureurs, souvent originaires de régions montagneuses (Colombie, Équateur, Ethiopie), ont grandi en altitude et présentent une meilleure tolérance à l’hypoxie. D’autres, au contraire, peinent à s’adapter. La génétique, l’historique d’entraînement et même la psychologie peuvent jouer un rôle.

En course : comment les 2000 mètres bouleversent la stratégie

Sur les pentes du Galibier, de l’Iseran ou du Tourmalet, les stratégies changent. À cette hauteur, le rapport puissance/poids ne suffit plus à expliquer les écarts. C’est la gestion de l’effort, la tolérance à l’altitude, et la capacité à maintenir un rythme sous hypoxie qui font la différence.

Moins de watts, plus de lucidité : les coureurs ne peuvent plus soutenir les mêmes puissances qu’en plaine. Une montée à 400 watts devient intenable sur les derniers kilomètres d’un col d’altitude. Les accélérations violentes sont rares, les attaques doivent être calculées avec soin. Il n’est pas rare de voir des leaders attendre les deux derniers kilomètres pour porter leur offensive, là où les moins acclimatés commencent à faiblir.

Des effets sournois comme le froid, le déshydratation, les troubles digestifs : l’air sec et froid de l’altitude favorise la déshydratation, même en l’absence de forte chaleur. La digestion est parfois plus lente, et certains coureurs peuvent ressentir des nausées ou maux de tête. La concentration en est affectée, tout comme la capacité à s’alimenter dans les moments critiques.

Le mythe des géants à plus de 2000 m

Le Tour de France aime les chiffres ronds et les symboles. Le passage au-dessus de 2000 mètres, régulièrement mis en avant dans les profils d’étapes, fait partie du patrimoine de la course.

Ces cols ne sont pas seulement hauts : ils sont souvent placés à des moments clés du Tour. Lorsqu’ils sont franchis en fin d’étape, les dégâts peuvent être considérables.

En 2011, Andy Schleck dynamitait le Tour au col d’Izoard avant de s’envoler dans le Galibier. En 2019, Egan Bernal s’emparait du maillot jaune dans une montée écourtée vers l’Iseran, rendue encore plus épique par une tempête de grêle.

Une altitude stratégique, au cœur de l’évolution du cyclisme

L’élévation des parcours dans les années 2000–2020 n’est pas un hasard. Les organisateurs cherchent à rendre la course plus spectaculaire et moins prévisible. L’altitude, avec son lot d’incertitudes physiologiques, ajoute du chaos, de la dramaturgie… et des écarts.

Mais elle pose aussi la question de l’égalité entre coureurs : tous ne sont pas égaux face à l’hypoxie. Le débat sur les parcours « trop hauts » ou « trop extrêmes » revient régulièrement dans le peloton.

Au-dessus de 2000 mètres, le Tour de France quitte le monde des watts et de la stratégie pure pour entrer dans celui de l’endurance brute, de la résistance physiologique et de la maîtrise de soi.

Les corps sont poussés à leurs limites, les écarts se creusent, les héros émergent. C’est là, dans la rareté de l’air et la grandeur des paysages, que naissent les légendes.

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