Incendie de Notre-Dame de Paris : un moniteur de ski a sauvé la Sainte Couronne

« Quand j’ai appris l’incendie de Notre-Dame, j’étais dans mon bureau. Le chef d’agrès d’une ambulance de retour d’intervention passé devant la cathédrale nous a rapporté que le panache de fumée était vraiment très dense, les plus jeunes ont obtenu des images via les réseaux sociaux… et là, on s’est dit que ce n’était pas de la rigolade. Quatre casernes, les plus proches, étaient déjà parties simultanément pour former le volume d’engins nécessaire en première intention. Dès son arrivée sur les lieux, le commandant des opérations de secours a demandé le plus gros renfort incendie possible, avec plus d’une centaine de pompiers et une vingtaine de camions de grande puissance. Puis un renfort commandement composé de plusieurs officiers dont je fais partie a été requis. »

La couronne d’épines, mission prioritaire

« Sur place, l’une des problématiques du général était la sauvegarde des œuvres qui se trouvaient à l’intérieur de l’édifice en feu. Il m’a confié cette mission avec, en priorité, le sauvetage de la couronne d’épines, la plus précieuse des reliques conservées à Notre-Dame. Comme bien d’autres trésors, telle la tunique de Saint-Louis, elle se trouvait au cœur de la cathédrale, sous la toiture, dont la charpente complètement embrasée se situait à près de 60 mètres de hauteur. On m’a remis un plan de sauvegarde des œuvres importantes, où chacune était listée avec son emplacement dans la cathédrale, comment la transporter, son poids, ses points de fragilité, etc., sauf pour la couronne d’épines, ces indications ayant été jugées trop sensibles pour les inscrire sur le plan… »

Plus de neuf heures de lutte acharnée ont été nécessaires aux quelque quatre cents sapeurs-pompiers de Paris pour venir à bout du gigantesque incendie de Notre-Dame. Photo B.Moser / BSSP
Plus de neuf heures de lutte acharnée ont été nécessaires aux quelque quatre cents sapeurs-pompiers de Paris pour venir à bout du gigantesque incendie de Notre-Dame. Photo B.Moser / BSSP

« Ma priorité était de ne perdre personne »

« Malgré tout, j’étais confiant, j’avais à mes côtés une conservatrice censée connaître l’emplacement de la couronne, mais aussi un engin et six hommes dédiés à cette mission. J’avais conscience de la valeur inestimable de ces trésors, mais je dois dire que ma priorité était de ne perdre personne, en restant très attentif à la sécurité. Avec la conservatrice, nous nous sommes éloignés un peu du poste de commandement et du brouhaha, et avons commencé à étudier le plan sur le parvis. Mais les braises poussées par le vent retombaient sur le plan qui s’est mis à charbonner. Nous nous sommes repliés vers la sacristie, de l’autre côté de la cathédrale, pour faire ce point de situation à l’abri – c’est d’ailleurs par cet accès, situé à proximité de la zone qui abrite une grande partie du trésor, que nous choisirons d’intervenir. Malgré des premières informations un peu floues sur l’emplacement de la couronne d’épines, nous avons fini, après plusieurs reconnaissances, par repérer un reliquaire en verre rouge dans lequel elle pourrait se trouver. Nous étions tellement concentrés sur notre mission que nous n’avons même pas pris conscience de l’effondrement de la flèche et de la voûte, l’endroit où nous étions étant légèrement décalé… Je n’ai réalisé cela que trois jours plus tard lors d’un retour d’expériences entre nous qui a permis le recoupement des détails de l’intervention sur une frise chronologique. Je me souviens effectivement d’un bruit sourd et lointain, mais je n’avais ressenti aucun souffle ni projection. »

Séance de briefing autour du plan de la cathédrale Notre-Dame entre le capitaine Franck et ses hommes. Photos BSPP/Marc Loukachine - Benoît Moser)
Séance de briefing autour du plan de la cathédrale Notre-Dame entre le capitaine Franck et ses hommes. Photos BSPP/Marc Loukachine - Benoît Moser)

La couronne d’épine était un fac-similé

« L’extraction de la couronne s’est faite prudemment. En brisant un côté du reliquaire en verre, nous l’avons aperçue… dorée et suspendue avec des fils d’acier que nous avons coupés facilement. Nous l’avons remise à la conservatrice qui est aussitôt partie la mettre en sécurité. Nous étions très heureux et j’ai rendu compte au poste de commandement que nous avions sauvé la couronne ! Puis nous avons continué à sortir des œuvres sous la charpente en feu afin d’en sauver le maximum. De la lucarne centrale à la croisée du transept, une bouche de feu crachait des braises incandescentes et du plomb en fusion provenant de la couverture de la charpente. Nous avons continué avec beaucoup de prudence, en longeant les murs, en faisant des allers-retours rapides, en restant le moins longtemps possible à l’intérieur, conscients du risque d’effondrement. Puis ce fut la déception lorsque Laurent Prades, le régisseur de la cathédrale, est venu nous annoncer que la couronne sauvée auparavant était… un fac-similé ! Nous sommes donc repartis à zéro. Je l’ai questionné, il avait du mal à situer les choses, il m’a dit que la couronne était dans un coffre mais ne se souvenait pas bien de son emplacement à l’arrière (immense) de la cathédrale. J’ai réparti mes hommes en équipe en leur demandant de fouiller partout à l’arrière de Notre-Dame, derrière les tableaux, sous les autels, les dalles qui bougeaient… en vain. Après l’avoir équipé en tenue de sécurité, j’ai conduit le régisseur, à sa demande, à l’intérieur de la cathédrale devant le présentoir en verre rouge où se trouvait la fausse couronne. Mais, sidéré par la violence du sinistre, il ne reconnaissait pas l’endroit. »

Photo Sylvain Borel / BSSP
Photo Sylvain Borel / BSSP

Des clés, encore des clés

« Je l’ai fait ressortir rapidement et lui ai demandé de me décrire calmement à quoi ressemblait ce coffre. Il m’a parlé d’une boîte gris métallisé et soudain, j’ai eu un flash. En enlevant la fausse couronne, j’avais vu une boîte grise ressemblant à un transformateur, j’ai pensé que c’était peut-être le coffre en question. J’y suis retourné avec mes hommes, nous avons cassé l’autre côté de la vitre et avons découvert effectivement le coffre avec de petites serrures en étoiles. Restait à trouver la clé, et nous sommes repartis pour une nouvelle chasse au trésor ! La clé se trouvait dans une boîte sécurisée… qui s’ouvrait au moyen d’une autre clé conservée dans une armoire également verrouillée… dont la clé était probablement dans la sacristie mais dont on ignorait précisément l’emplacement. Nous l’avons trouvée dans l’armoire d’un prêtre, sous sa soutane ! Ce n’était pas encore gagné car dans l’armoire, il y avait des centaines de clés. Heureusement, le régisseur a identifié la bonne, mais il fallait aussi un code qui s’était envolé de sa mémoire. Pendant qu’il téléphonait à d’autres personnes supposées le connaître, j’ai demandé au poste de commandement un engin spécialisé dans les manœuvres de force pour désolidariser le coffre du sol et l’emporter sans l’ouvrir. »

Le temps d’une photo, le capitaine Franck a changé d’uniforme. Place au pull rouge et à la médaille. Photo BSSP
Le temps d’une photo, le capitaine Franck a changé d’uniforme. Place au pull rouge et à la médaille. Photo BSSP

De nombreuses œuvres sauvées

« Entre-temps, Laurent Prades avait reçu le code par SMS, et nous avons ainsi pu sauver la couronne d’épines dans son écrin en cuir ! L’incendie faisait alors rage, et nous avons décidé d’évacuer les sauveteurs restants. Beaucoup d’œuvres étaient encore à l’intérieur et nous avons mis en place un dispositif hydraulique à l’aide de lances à incendie pour les sauvegarder et éviter la propagation du feu au niveau du chœur. Notre intervention s’est achevée par l’extinction assez périlleuse de la charpente du transept sud sur le secteur que je commandais. Nous sommes rentrés à 5 heures du matin, fatigués et sans trop réaliser ce que nous avions vécu. Quand j’ai repris mon véhicule, j’ai vu plein de messages sur mon téléphone, la famille, les amis s’inquiétaient… Au cours de cette opération hors norme, nous n’avons eu à déplorer aucune victime heureusement. »

N.B. Le nom de famille de famille du Capitaine Franck n’apparaît pas, conformément à la règle établie par la BSPP.

Article issu du magazine Traces, édité par le SNMSF

La Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) est une unité du génie de l’armée de terre française. Photo BSSP
La Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) est une unité du génie de l’armée de terre française. Photo BSSP

Capitaine Franck, 47 ans, militaire de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP)

Dès 7 ans, il intègre les jeunes sapeurs-pompiers de Chamonix puis devient sapeur-pompier volontaire à 16 ans, comme son frère aîné Christian, également sapeur-pompier de Paris. Après deux saisons d’été à Cavalaire pour lutter contre les feux de forêts, il effectue son service militaire au sein des sapeurs-pompiers de Paris, où il s’engage initialement pour cinq ans. Caporal en décembre 1995 puis sous-officier en août 1997, il devient chef de garde en 2000. Une fonction emblématique conduisant à commander les interventions pour feu, puis possiblement un centre de secours au bout de quelques années. De 2007 à 2010, il est ainsi chef du centre de secours de Villeneuve-Saint-Georges (55 sapeurs-pompiers de Paris réalisant environ 5000 interventions par an), puis deviendra commandant de compagnie en 2011, grade permettant de commander deux ou trois centres de secours.

De 2018 à 2020, il est commandant de la 8e compagnie d’incendie et de secours (150 officiers, sous-officiers et militaires du rang, et deux centres de secours – la caserne de Rousseau au cœur du quartier des Halles et celle de Château d’eau à proximité de la place de la République – pour quelque 20 000 interventions par an). Depuis 2020, il est officier en charge de la préparation opérationnelle, de l’entraînement physique et sportif et du retour d’expérience au sein de l’état-major du 2e groupement d’incendie et de secours (caserne de Masséna dans le 13e arrondissement) qui défend un tiers de Paris et tout le Val-de-Marne (1800 sapeurs-pompiers, environ 180 000 interventions par an). Il est également officier poste de commandement, fonction consistant à commander et coordonner les nombreux moyens engagés sur les opérations importantes.

Côté ski

« Formé au club de ski de fond de Chamonix, puis d’Argentière, j’ai d’abord passé mon BE ski nordique. Déjà engagé dans ma carrière de sapeur-pompier, ce fut assez long pour passer toutes les UF, mais je suis allée au bout. Puis mes potes de Chamonix m’ont encouragé à passer le BE alpin. Il a fallu que je m’entraîne en slalom et géant pour le test technique et l’Eurotest, et que je me mette au snowboard ! Ça m’a pris beaucoup de temps, j’ai dû demander quelques dérogations de prolongation, mais j’y suis arrivé et j’ai été diplômé en 2011 ! »

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